La première fois qu’on l’a lu, ce poème, on en a eu les larmes aux yeux tellement c’était beau de lire tout cet amour. « Tes yeux sont si profonds qu’en me penchant pour boire / J’ai vu tous les soleils y venir se mirer… » On en est resté tellement impressionné que ces deux vers-là, on les a relus, relus, relus. Il y a plein de beaux vers ensuite, mais celui-ci aussi est beau : « L’iris troué de noir plus bleu d’être endeuillé » - on n’a plus jamais regardé les iris comme avant cette lecture, ni le bleu près du noir ou le noir près du bleu. Et ce vers : « Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes. » Il fallut aller chercher la définition de Golconde comme on l’avait fait de la pechblende. Etre le Pérou, la Golconde, les Indes de quelqu’un… Avoir des yeux d’un bleu brûlant, comme le radium. D’ailleurs, le livre qu’on a et dans lequel est ce poème est bleu, lui aussi. Quand on le prend, il s’ouvre à la page du poème.
Les Yeux d'Elsa
Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire
À l'ombre des oiseaux c'est l'océan troublé
Puis le beau temps soudain se lève et tes yeux changent
L'été taille la nue au tablier des anges
Le ciel n'est jamais bleu comme il l'est sur les blés
Les vents chassent en vain les chagrins de l'azur
Tes yeux plus clairs que lui lorsqu'une larme y luit
Tes yeux rendent jaloux le ciel d'après la pluie
Le verre n'est jamais si bleu qu'à sa brisure
Mère des Sept douleurs ô lumière mouillée
Sept glaives ont percé le prisme des couleurs
Le jour est plus poignant qui point entre les pleurs
L'iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé
Tes yeux dans le malheur ouvrent la double brèche
Par où se reproduit le miracle des Rois
Lorsque le cœur battant ils virent tous les trois
Le manteau de Marie accroché dans la crèche
Une bouche suffit au mois de Mai des mots
Pour toutes les chansons et pour tous les hélas
Trop peu d'un firmament pour des millions d'astres
Il leur fallait tes yeux et leurs secrets gémeaux
L'enfant accaparé par les belles images
Écarquille les siens moins démesurément
Quand tu fais les grands yeux je ne sais si tu mens
On dirait que l'averse ouvre des fleurs sauvages
Cachent-ils des éclairs dans cette lavande où
Des insectes défont leurs amours violentes
Je suis pris au filet des étoiles filantes
Comme un marin qui meurt en mer en plein mois d'août
J'ai retiré ce radium de la pechblende
Et j'ai brûlé mes doigts à ce feu défendu
Ô paradis cent fois retrouvé reperdu
Tes yeux sont mon Pérou ma Golconde mes Indes
Il advint qu'un beau soir l'univers se brisa
Sur des récifs que les naufrageurs enflammèrent
Moi je voyais briller au-dessus de la mer
Les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa les yeux d'Elsa
Commentaires
"Les yeux d'Elsa" ne sont pas vraiment les yeux de son Elsa.
Ce poème est une déclaration d'amour à... la France. Par un résistant.
C'est ce qu'il est dit quand on visite le moulin d'Elsa Triolet à Saint Arnoult en Yvelines à 8 km de chez nous. Et j'y suis allée plusieurs fois....
Néanmoins reste ce grand amour entre ses 2 êtres, Qui se sont fait un menu cadeau à chaque anniversaire de leur rencontre, toute leur vie. Et qui sont maintenant enterrés côté à côte dans le parc de cette propriété. avec leur musique préférée doucement diffusés en continue...
Bonne journée à chacun, chacune.
Dans certains vers, je voyais les yeux de mon mari qui sont très bleus. Les yeux bleus vifs et les yeux noirs sont sources de beaucoup d'interrogations. Ils peuvent exprimer beaucoup de sentiments parfois très doux, parfois très durs
Très joli poème qui me fait toujours vibrer autant. Merci pour ce rappel.
Les yeux ont inspiré parmi les plus beaux poèmes .
Un autre qui me touche infiniment est celui-là : il me fait pleurer à chaque fois .
Les yeux
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux sans nombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d’ombre.
Oh ! qu’ils aient perdu le regard,
Non, non, cela n’est pas possible !
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu’on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants,
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
Mais il n’est pas vrai qu’elles meurent :
Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l’autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore.
René-François Sully Prudhomme, La vie intérieure
Un seul reproche : c'est trop long , trop appuyé , mais quand on aime , on ne compte pas, c'est bien connu ! Il est vrai que je préfère les poèmes courts, que l'on retient mieux !
Vous souvenez-vous du ménéstrel des " Visiteurs du soir" et des vers de Prévert qu'il chante :
"... au fond du lit , deux petites vagues sont restées
deux oetites vagues pour me noyer ! "
Je cite ... de mémoire !
Elsa avait bien de la chance tout de même !
Un magnifique poème il faut bien le reconnaître et j'aime aussi le relire de temps en temps :) Belle journée
Que c'est beau ! Que c'est beau ! Que c'est beau ! Merci Marie, merci Marie.... Merci Louis, merci Elsa.
On peut même s'arrêter au titre, déjà tellement beau, comme une promesse magnifique. Il est vrai que le prénom d'Elsa est à lui seul tout un poème.
Belle journée,
Dominique
Les yeux d'Elsa sont très beaux, mais j'ai lu d'autres poème d'autres poètes qui nous en mettaient aussi plein les yeux et ils sont tous magnifiques ces yeux-là! Il faut être un grand poète pour savoir si bien exalter deux yeux !
Belle journée
Mon frère m'avait demandé de lire ce poème pour la cérémonie funéraire de sa fille Elsa (qu'il avait appelé ainsi à cause d'Aragon)... Elle avait les yeux bleus aussi, elle avait 14 ans, je n'avais pas lu certaines strophes (la pechblende ou la Golconde...) et la relire aujourd'hui me fait monter, encore et toujours, les larmes aux yeux.
Merci de nous rappeler ce beau texte dont on ne peut se lasser..
"Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer" ... Dernièrement, une amie m'a prêtée un livre de Boris Cyrulnik que s'intitule: 'La nuit, j'écrirai des soleils'. Une titre que je trouve justement si poétique! :)
La poésie nous accompagne toujours, mais spécialement en ces temps.
Je suis ravie de lire ici les poèmes que tu aimes, qui t’émeuvent.
plonger dans la profondeur de tes yeux et sentir m'envahir ton regard !
pour moi, le regard est plus éloquent ... je les aime enjoués et amènes ...
amitié .
un poème magnifique que j'aime infiniment
il est tellement dommage que les deux amoureux n'aient pas eu une vie et des positions à la hauteur de cette poésie
Toute la poésie du monde et toute la terre se reflètent dans un regard chargé d'amour.
Merci Marie pour cette belle page !
La souffrance et l'amour mêlé. Elle lui fut enlevée si rapidement.
Bises