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Gourmandise de mots

  • Au milieu des livres.


    Des livres reviennent parfois. Ils ressurgissent. On les a lus il y a un moment. On les a bien aimés. On en a parlé. Et puis on les a rangés et on n’y est plus revenu. Il y a quelques jours, ce fut « Dialogue avec les morts », de Jean Clair, lu une première fois en 2011 auquel tout à coup j’ai pensé, sans que je sache vraiment pourquoi. Et je n’ai pas eu à le chercher : je suis allée directement l’attraper de ce geste que nous connaissons tous quand il s’agit de sortir par la tranche un livre rangé au milieu de plusieurs autres. Le volume est tout hérissé de post-it roses. Page 97 : « … retrouver l’écho des voix de ceux qui ont disparu… ». C’est à cette page-là que le livre s’est ouvert de lui-même. Je suis restée un moment, debout devant l’étagère qui ploie légèrement sous le poids des volumes, tenant le livre ouvert de la main droite, l’index de la main gauche suivant la ligne. Relisant ces quelques mots. Une fois. Deux fois. Trois fois. « … retrouver l’écho des voix de ceux qui ont disparu… » Le post-it précédent marquait cette citation de Camus, « La langue est ma patrie », dont il faudrait trouver peut-être un jour trouver d’où elle vient. Mais ce n’est pas cela qui est urgent.

  • Des mots qui aident à vivre.


    Des mots qui aident à vivre, c’est le titre d’un livre du si regretté Charles Juliet qui aimait, lui aussi, recopier des phrases qui devenaient ainsi des citations.
    Lire dans le journal ces mots d’un poème de Guillaume Apollinaire,

    « Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores »
    fait du bien, tout comme le souvenir qui se ravive de connaître ces mots-là, tout comme la possibilité d’aller chercher dans le rayon poésie « Le Guetteur mélancolique », livre lu, relu, jauni par le temps, annoté, tout comme de l’ouvrir presque tout de suite à la bonne page.
    Oui, la poésie aide à vivre. Les mots aident à vivre. Ils sont de toute éternité.

    Voici tout le poème (1) :
    Jamais les crépuscules ne vaincront les aurores
    Etonnons-nous des soirs mais vivons les matins
    Méprisons l’immuable comme la pierre ou l’or
    Sources qui tariront Que je trempe mes mains
    En l’onde heureuse




    (1) Apollinaire, Le Guetteur mélancolique, NRF Poésie/Gallimard, 1970, p. 33