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  • Un été avec Virginia Woolf : La promenade au phare. 2/3.

    Le fil de l’histoire.
    Oh, c’est tout simple, l’histoire racontée dans La promenade au phare (certains diraient « la trame romanesque », mais pas de grands mots ici, s’il vous plait). Ce sont deux moments, à des années d’intervalle, de vacances en famille et avec des amis, au bord de la mer, dans la maison familiale. Il y a des parents, des enfants, des relations, des visiteurs, des domestiques, un jardin, la mer.
    Mrs Ramsey, au tout début du livre, promet à son plus jeune fils, James, 6 ans (elle en a 7 autres), que le lendemain, ils pourraient aller au phare, en bateau ; mais son mari pense que le temps ne le permettra pas et qu’il est donc inutile d’espérer. Il est assez brusque quand il parle, et il est capricieux ; sa femme lui est toute dévouée.
    Oui, oui, on sait que les propres parents de Virginia Woolf ont servi de modèles. Mais ce n’est pas cela l’important. C’est qu’ils sont les parents que leurs enfants observent – et jugent. Parmi les invités, un jeune universitaire très obséquieux vis-à-vis de ses hôtes, et surtout de Mr Ramsey, dont on apprend qu’il publie des livres de philosophie et d’histoire ; un vieil ami du couple, un peu rigide ; une femme encore jeune mais déjà considérée comme une vieille fille, dans un monde où on doit se marier très vite ; deux jeunes gens qui décideront de se fiancer durant cet été. Tout ce petit monde se retrouve pour les repas et, entre temps, vaquent à leurs occupations. Mrs Ramsey trouve des solutions à tout ; chasse ce qui fait peur ; tricote ; gère la maisonnée ; a un mot pour tout le monde ; visite les pauvres ; raconte des histoires ; et en plus elle est très belle. Lily Briscoe, la vieille fille, peint. Les enfants s’amusent : dans cet espace, ils sont libres.
    Dans la deuxième partie du roman, la famille revient dans la maison qu’ils ont abandonnée durant de nombreuses années. En effet, Madame Ramsey est morte brusquement ; sa fille Prue est morte également, en couches, un an après son mariage ; son fils Andrew a été fauché à la guerre. Le décor est le même, les acteurs quasiment tous présents, même Lily Briscoe qui tient à terminer son tableau. Quoiqu’il en coûte, on organise la promenade au phare. Mais cela ne peut pas du tout être la même promenade que celle prévue des années auparavant. Chacun attend quelque chose de ce qui est en train d’être vécu, et chacun se sent seul : avec qui communiquer vraiment ? James et Cam, en bateau avec leur père qui les ignore en lisant un livre tout au long de la traversée, le détestent car ils le considèrent comme un tyran ; il n’a rien de la douceur qu’avait leur mère. Ils sont ligués contre lui alors que lui se sent tout simplement un père qui emmène ses enfants se promener, comme son épouse aurait souhaité qu’il le fasse. Lily Briscoe cherche Mrs Ramsey, la voit apparaître dans ses souvenirs si précis. Et ce sera quand Mr Ramsey, James et Cam aborderont enfin au phare qu’elle terminera son tableau.
    Ah, Mrs Ramsey. Sa vie bien tracée. Epouser jeune un homme plus âgé, si brillant, qui apportera stabilité et statut social. S’occuper de lui. L’aimer. Le connaître mieux qu’il se connait lui-même. Anticiper tous ces désirs. Supporter son mauvais caractère, mais il a un projet, une vision du monde, un rôle à jouer dans le monde comme tous les hommes. Avoir des enfants. Beaucoup. Leur transmettre certaines valeurs. Leur raconter des histoires. Mais elle déserte, d’une certaine façon, en mourant et en laissant tout le monde désemparé : « Mrs Ramsey avait donné. Elle avait donné, donné, donné et puis elle était morte – en laissant tout ceci » (p. 455).
    Le fil de l’histoire est cassé à plusieurs reprises : Mrs Ramsey meurt. Absente, elle ne pourra protéger Prue et Andrew. Sa mort a fait entrer le monde de cette famille dans la période des « si » et des « mais » : « Et si elle n’était pas morte…. » ; « Mais quand elle était là… ». Elle a emporté avec elle le merveilleux de l’enfance : si James était allé au phare quand sa mère le lui avait promis, l’aurait-il vu ainsi : « c’était une tour toute nue sur un rocher stérile » (p. 501). Cam, quant à elle, se protège de l’instant présent, cette traversée en bateau avec son père qu’elle admire tout autant qu’elle le craint ; elle préfère se raconter des histoires. Elle et Virginia Woolf ne font peut-être qu’une ?




  • Papotages.

    C’est la journée des papotages.
    Au moment où on part, on croise le facteur qui s’étonne qu’on reçoive tant de courrier, et, surtout, des lettres écrites à la main. « Vous devez être écrivain », conclut-il.
    A la mercerie, on discute de la bordure pour le châle. Mettra-t-on des perles ? des franges ? ces perles-ci ? cette laine-là ou plutôt celle-ci ? est-ce que c’est mieux plus foncé ou plus clair ? les clientes qui vont et viennent finissent par participer à la conversation.
    Au téléphone, avec une amie très chère, on aborde le sujet fondamental de la lessive faite maison et de la dilution plus ou moins réussie des copeaux de savons de Marseille ainsi que des pipettes antipuces qu’on administre aux chats jusqu’à la question du liquide vaisselle qu’on peut aussi fabriquer soi-même, oui, mais le savon noir ne mousse pas, alors…
    Avec le voisin, on réfléchit doctement à l’emplacement des poubelles afin de moins gêner les manœuvres des voitures dans la cour : on pourrait mettre celle-là là, et l’autre ici ; ou alors là ; non, là….