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MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 80

  • Lire Anne Perrier.


    Lire Anne Perrier est sans fin. Le volume qu’on a ici de ses poésies n’a pas de place parmi d’autres livres sur une étagère. Non, il va et il vient : sur la commode, sur le bureau, sur le lit, sur la chaise, sur la table de chevet. On prend le livre. On l’ouvre. On lit un poème. On referme le livre. On continue à vaquer. Paisiblement.

    Laissez venir à moi mes paysages
    Maintenant tous les rêves ont fui dépouillés
    Mon cœur se fait secret comme un autel

    Laissez venir à moi mes paysages
    Pour qu’ils bâtissent du silence
    Où se taisent les voix qui m’ont blessée
    Je me souviens d’un ciel immense dans les yeux
    Je me souviens d’étoiles sur le front
    Tièdes comme des mains abandonnées
    Je me souviens d’amour coulant sur le visage
    Et d’un chemin bleu jusqu’au bout du cœur
    Oh croire qu’on est chose aussi sans désespoir

    Laissez venir à moi mes paysages


    Anne Perrier, Selon la nuit, 1952, in La voie nomade et autres poèmes, L’Escampette Editions, 2008

  • Cigales.

    Marcher longtemps loin de la rumeur de la ville mais au cœur du concert que les cigales vont donner tout l’été. On entend, à la vigueur des stridulations, comme elles sont nombreuses ; et heureuses aussi. Après une longue période enfouies dans la terre obscure, elles s’abreuvent de la lumière et de la chaleur, et c’est pourquoi elles chantent de joie. Et on imagine qu’elles sont heureuses aussi de se retrouver toutes ensemble pour cette louange au jour. En s’asseyant contre le tronc d’un gros pin à l’écorce rose qui, lui, répand son chaud parfum, on prend le temps de les écouter. Elles disent que, justement, tout est maintenant.