Quand la vie nous amène là où on n’avait pas prévu d’aller, si on est bien attentif à ce qui se passe dans ce lieu nouveau et improbable, on se rend compte qu’il n’y a pas de hasard car on reçoit quelque chose. Un petit rien, ou beaucoup, peu importe : c’était ce dont on avait besoin.
Ainsi, dimanche, pour rendre service, on a accompagné quelqu’un à un repas d’anciens ; certains avaient combattu sur les mers, d’autres avaient été mari, femme, fils, fille, frère d’autres combattants disparus maintenant.
On a déjeuné. Très bien. On a parlé. Beaucoup. On a dansé. Un peu. On a chanté. Beaucoup aussi. Des chansons « d’avant » dont les interprètes s’appliquaient à rouler les « r » et à articuler impeccablement les paroles. Celles-ci, on ne s’en souvenait pas toujours, alors on fredonnait, on chantait quelques mots qui revenaient brusquement en mémoire, on reprenait le refrain d’une voix plus assurée. Parfois, cette voix s’étranglait. L’émotion.
Ces textes sont venus par-delà les mers et les limbes comme une ancre qui plonge jusqu’au tréfonds des eaux et permet de ne pas se laisser emporter, deçà delà, au vent mauvais, pareil à une feuille morte.
…Ton image est la plus forte…
…Quand reviendra l’hirondelle...
…J’attendrai …
…J’attendrai le jour et la nuit / J’attendrai toujours ton retour…
…Je crois entendre ton pas…
…J’écoute en vain…
…Plus rien ne vient…
…C’est aujourd’hui dimanche…
…Elle aimait les fleurs / Les roses surtout…
…Voici des roses blanches / Toi qui les aimes tant…
…Tu n’as plus de Maman…
…Et quand tu t’en iras / au grand jardin là-bas / ces belles roses blanches tu les emporteras…
ECOUTER / Musique - Page 3
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La musique de la semaine : … Tu les emporteras.
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Chanson de Lorette, de Vaux-Douaumont, de Craonne, Sur le plateau...
A propos de gens courageux évoqués hier, en ce jour commémoratif, avoir envie de partager ici une des versions de la chanson de Craonne (cette chanson a été chantée dès 1914, sous plusieurs versions : Chanson de Lorette, Chanson de Vaux-Douaumont, Sur le plateau, …. )
Les paroles résonnent encore aujourd’hui.
Sur le plateau de Craonne
1er couplet
Lorsque au bout de huit jours
L’repos terminé
On va reprendre les tranchées
Notre place si utile
Car sans nous l’on n’est pas tranquille
Mais donc maintenant qu’on en a assez
Personne ne veut plus marcher
Et le cœur bien gros
Et dans un sanglot
On se dit adieu le repos
Même sans tambour
Même sans trompette
Nous partons hélas en baissant la tête.
Refrain
Adieu la vie, adieu l’amour
Adieu toutes les femmes
C’est pas fini, c’est pour toujours
De cette guerre infâme
C’est à Craonne sur le plateau
Qu’on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
Nous sommes les sacrifiés.
2e couplet
Nous voilà r’partis tous le sac au dos
On peut dire adieu le repos
Car pour nous la vie est dure
C’est terrible je vous l’assure
A peine là-haut on se fera descendre
Sans même pouvoir se défendre
Car si nous avons de très bons canons
Les Boches répondront à leurs sons
Forcés de se terrer là dans la tranchée
Attendant l’obus qui viendra nous tuer.
Au refrain
3e couplet
Huit jours de tranchée, huit jours de souffrance
Cependant on a l’espérance
Car ce soir peut-être la relève
Que nous attendons sans trêve
Soudain dans la nuit avec le silence
On voit quelqu’un qui s’avance
C’est un officier de chasseurs à pied
Qui vient pour nous remplacer
Doucement dans l’ombre
Sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs viennent chercher leurs tombes.
Au refrain
4e couplet
C’est malheureux d’voir
Sur les grands boulevards
Des gens qui se payent de votre poire
Si pour eux la vie est rose
Pour nous ce n’est pas la même chose
Au lieu de se cacher ces gros embusqués
F’rai[en]t mieux de monter aux tranchées
Pour défendre leurs biens
Nous qui n’avons rien
Nous sommes les malheureux pantins
Tous nos pauvres frères sont étendus là-bas
Pour garder le bien de ces fumiers là.
2e refrain
Ceux qu’ont le pognon
Ceux là r’viendront
Puisqu’ c’est pour eux qu’on s’crève
Mais c’est fini car les troupiers
Vont se mettre tous en grève
C’est à votre tour M[ess]ieurs les gros
De monter sur l’plateau
Car si vous voulez la guerre
Payez-la d’votre peau.
(Fin)
Aux armées le 10 juillet 1917
R. Moignet
62e Régiment d’infanterie
10e Compagnie
(Source : http://www.chansondecraonne.fr/versions/Craonne-17-07-10/Craonne-17-07-10-transcription.html)