Dans le petit marché couvert de Mar Vivo, il y a : un primeur, un boucher, un fromager, un boulanger, un fleuriste. C’est toute la même famille. A l’entrée, on peut prendre un panier en osier et aller et venir à sa guise.
Les dames qui s’occupent des fleurs vont les chercher à Hyères tous les matins : pour les fleurs, comme pour les légumes, c’est de saison.
Pour l’instant, la saison, ce sont les pivoines.
On en a remarqué de jolies roses et on les admire en attendant son tour. Puis on en demande :
- Je voudrais des pivoines roses, s’il vous plait.
La réponse est merveilleuse :
- De quel rose ?
C’est alors qu’on nous signale l’existence de plusieurs seaux remplis de pivoines qu’on n’avait pas vus dans le fouillis de l’étal. La dame reprend :
- Regardez, vous avez les roses (celles qu’on avait vues) ; quand elles s’ouvrent, elles restent roses mais en même temps elles sont blanches. Là, vous avez les roses de plusieurs roses : elles vont du rose clair au plus foncé. Là, vous avez les fuschias. Là, les foncées. Et puis il m’en reste des rouges, si vous voulez aussi.
Devant notre air interloqué, éberlué, admiratif, la dame nous propose de choisir nous-mêmes les pivoines et pendant ce temps, elle s’occupe d’un autre client.
Et nous voilà à prendre une pivoine ici, une autre là, à les associer les unes aux autres, tout en pensant aux jardins d’autrefois qui, au printemps, mêlaient pivoines et lilas en un même embaumement. On finit par faire deux bouquets, l’un clair, l’autre de plusieurs teintes.
C’est celui-là qu’on amène à quelqu’un qu’on connait et dont on sait que les pivoines comptent. On sait ce qu’on va entendre quand on lui posera le bouquet entre les mains.
- Oh la la ! des pivoines ! Elles sont belles ! Oh la la ! Je me souviens, dans le jardin de ma mère, il y en avait plein. Au Printemps, elles étaient si nombreuses, près de là où il y avait les lilas ; les lilas doubles, bien sûr. Ma mère, elle, elle adorait les pivoines aussi et elle allait en cueillir pour en mettre sur la table de la cuisine, pour en donner aux voisins. Elle était fière de ses fleurs. Il faudrait quand même que j’en mette dans le mien, des pivoines. Ah, elles sont tellement belles. Et elles vont sentir bon, ça se voit tout de suite.
C’est ainsi que cela s’est passé. Mais il y eut une suite.
- Mais j’ai des roses. Vous voulez des roses ? Je sais que vous aimez les roses, vous aussi. Tenez, prenez le sécateur, parce qu’il y en a qui sont hautes, et moi je ne peux plus les cueillir. Les roses, ça doit se cueillir. Allez, venez. Prenez celle-ci, la grosse rouge, c’est une Meilland. Elle embaume, n’est-ce pas ? Et à côté, vous voyez le bouton ? Et bien prenez-le aussi. Il va s’ouvrir, vous verrez. Ce sera un enchantement. Vous les mettrez dans un petit vase, parce que les tiges sont courtes. Vous en avez un, de petit vase, oui ? Moi, j’aime bien avoir des roses sur la table de la cuisine. Mais aujourd’hui, je vais mettre vos pivoines.
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Au milieu des pivoines.
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Exaucement.
Le matin, prendre parmi l’étal d’un des fleuristes du cours Lafayette un premier bouquet de pivoines pour quelqu’un qu’on espère bien pouvoir rencontrer aujourd’hui peut-être.
Et le soir même, longer la corniche de Tamaris pour le lui apporter. Roulées dans un papier journal, les pivoines en boutons sont promesses de fleurs douces et délicates, légèrement rosées.
C’était bien ce qu’il fallait.