Si le soir est consacré aux romans, le matin est, lui, consacré à d’autres genres comme les essais ou les correspondances ou la poésie ou la philosophie, etc.
Ainsi, on a passé quelques bons débuts de matinées avec La folie de Pinochet, de Luis Sepulveda, dont on avait déjà entendu parler çà et là.
C’est un recueil d’articles écrits pour la plupart après les tentatives malheureuses de quelques juges courageux de faire passer Pinochet en justice. Sepulveda évoque son pays, la dictature, les combattants pour la démocratie, et bien sûr les torturés (dont il a fait partie) et les disparus dont il dresse le portrait pour quelques-uns.
C’est beau ce qu’il écrit. Dur, oui.
Mais beau car bien que Pinochet n’ait pas été jugé et que Sepulveda considère écœurantes les compromissions politiques qui ont suivi la dictature, c’est bien des grandes luttes à mener pour sauver l’humanité qui sont au cœur du livre. Il fait appel à la « merveilleuse fleur de la mémoire » pour évoquer l’urgence de protéger la liberté, la démocratie, le respect de la dignité humaine. Ainsi quand il évoque les absents : « Ils s’étaient dépouillés de la peau de la patrie pour être des habitants de la grande famille humaine. »
Beau car c’est bien de la littérature dont il s’agit ici, sa force et sa puissance pour rendre les Hommes tout autant heureux que libres. « Bien se servir des mots, les laisser libres et honnêtes, parce que les mots veulent être libres et honnêtes » disait un pêcheur dont l’auteur dresse le portrait en précisant aussi que cet homme savait distinguer les amis et les ennemis de la littérature, qui sont les mêmes que les amis et les ennemis de l’humanité.
« J’écris parce que je crois à la force militante des mots ».
« Au commencement était le Verbe, vérité jamais théologique mais grammaticale, car le mot est en soi un acte de fondation et que les choses existent à force de les nommer. »
On relira sans doute les romans de Sepulveda. Autrement.
Commentaires
Les extraits que tu nous donnes ce matin sont superbes...je n'ai lu que des romans de Luis Sepulveda et tu me donnes envie de lire ce recueil très intéressant. bonne journée
Mercî pour ce conseil
Belle et douce journée
Tout ce qu'on savait déjà mais qu'il faut relire sous la plume de Sépulvéda qui l'a vécu dans sa chair: lecture difficile , âpre, touchante. Je fais partie de la génération pour qui le 11 septembre 1973 reste une date tragique. " raconter c'est résister" mais "ni pardon ni oubli" . Un livre essentiel.
De l'importance de toujours rechercher le mot juste...
Je ne connais pas du tout cet auteur... J'aime beaucoup cette phrase "j'écris parce que je crois à la force militante des mots", les mots ont une force incroyable, ils sont à manipuler avec précaution... Bises pluvieuses, les jardins sont heureux ! brigitte
beaux mots dame Bonheur....... chapeau !! (ému mon chapeau..)
un auteur que j'apprécie sur un sujet oh combien douloureux, j'ai eu l'occasion d'accueillir une jeune femme chilienne en 1978 et ce qu'elle racontait était effrayant et me plongeait en plein cauchemar d'autant que nous avions une enfant du même âge, l'une heureuse, l'autre en exil !
être partie prenante dans la famille des "hommes" rien qu'à l'aide des mots qui atténuent les maux, et comme un verbe, agir quand il se peut ...
amitié .
Je reviens pour te parler d' un film paru en DVD, essentiel aussi sur cette tragédie chilienne : Il s'agit de Rue Santa Fé réalisé par Carmen Castillo qui était une jeune militante du mouvement de la Gauche révolutionnaire entrée dans la clandestinité avec son compagnon Miguel Enriquez chef de la Résistance à qui Allende avant de se suicider envoya ce message" " maintenant à toi de jouer Miguel" Il meurt au combat quand la maison est prise d'assaut par les militaires le 5 octobre 1974 . Carmen enceinte sera emprisonnée puis expulsée . Le coffret est préfacé par Geneviève Brisac ... "Un film sur l'Histoire qui refuse le marbre des pierres tombales et la langue des discours officiels est chose rares. ...les femmes ici ne disent jamais ce à quoi on s'attend . Sur leurs visages il y a l'ombre portée de la dictature, les cicatrices , la mémoire à vif . leurs paroles dures - ou tendres- vous attrapent à chaque fois par surprise... les enfants tiennent un rôle inconnu jusqu'ici, ...qui disent ce qu'ils ont vu, compris , subi...ibres de leurs vies ... Elle termine par "inoubliables, A jamais." Et ce fut mon sentiment à la fin de ce film.
Les mots, tellement important!!! Bise, bon jeudi dans la joie et la tendresse!
A chaque genre littéraire son moment, riche idée.
Je ne connais pas l'écrivain, mais je me souviens fort bien du 11 septembre 1973. J'allais avoir seize ans, Allende était renversé, la dictature, installée, et cela allait durer longtemps. Nos professeurs nous avaient emmenées à un Congrès, qu'on appelait "Le tribunal Russell", sur le rôle des multinationales américaines dans l'établissement et le maintien des dictatures en Amérique latine.
Nous étions juste un peu endoctrinées o;) A côté de cela, l'Europe n'a pas raté un Milosevic (je prends au hasard)... Car les Cours de justice internationales fonctionnent quand même un peu étrangement. Elles ne loupent jamais leur coup quand il s'agit de communisme ou de ce qu'on aurait tendance à rapprocher des anciens communismes (je prends des pincettes)...
Et elles le loupent à peu près systématiquement quand cela ressemble vraiment trop à un panier de crabes.
Ceci n'engage que moi...
On ne dira jamais assez l'importance du choix des mots, et leur pouvoir...
Merci Marie pour ce beau texte ! Je ne connais pas cet auteur et tu nous donnes envie de le lire. Cette belle littérature militante, ces mots si justes sont un trésor pour l'humanité. Bises.
Les mots et leur pouvoir parfois immense !
Je n'ai pas lu ces articles, mais ton billet me rappelle "L'ombre de ce que nous avons été" où de vieux "camarades" se souviennent de leur combat.
Prendre le temps de lire ce soir plusieurs de vos bonheurs du jour, se laisser bercer, puis lire celui ou vous parlez de la perte d'un de vos petits compagnons de poils, avoir les larmes aux yeux. Prendre le temps de vous dire que l'on est désolé, on s'attache tellement à eux... Penser à tous ceux que j'ai perdu depuis mon enfance... Je vous embrasse.
JE note ce roman ! Je viens juste de terminer Condor qui parle aussi du Chili d'après la dictature
J'ai du mal avec cet auteur, autant avec ses textes qu'avec ce que l'auteur dégage, une certaine arrogance (peut-être de la timidité, je ne juge pas).