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l'antan - Page 7

  • L’antan : manger à heures fixes.

    On ne chômait pas, à la maison. On était une famille nombreuse, les parents travaillaient, parfois de nuit, parfois de jour ; les enfants allaient à l’école, ou au collège, ou au lycée. La maison était impeccable. Rien ne traînait. Les vitres étaient immaculées. Et on mangeait toujours à l’heure.
    L’heure, c’était midi pour le déjeuner, et 19 H pour le diner. « C’est l’heure, à table ! ». Sinon, aïe aïe aïe. Le dimanche, on pouvait s’autoriser à attendre jusqu’à 12H30, et on traînait pour prendre le café en sortant les petites tasses en porcelaine. Mais on faisait, vite fait bien fait, la vaisselle, à la main, et la cuisine était impeccablement rangée dès le début de l’après-midi.
    Jamais on n’a entendu une phrase du genre : « Oh la la, déjà 13H, et on n’a pas encore mangé. Mais qu’est-ce que je vais leur préparer ? »
    Le respect des horaires pour les repas étaient tels qu’on en a gardé quasiment l’habitude tellement la contrainte était forte. On a le souvenir d’un soir où, dans un moment rarissime d’égarement on avait quelques jours auparavant invité des gens à dîner et, ne les voyant pas à 20H30, on était passé à table, pensant qu’ils ne viendraient plus. Bien sûr ils étaient arrivés, et nous avaient trouvé en train de déguster l’entrée.
    Non, l’heure, c’était l’heure. Et on pensait que pour tout le monde, c’était pareil.


  • L’antan : trier les lentilles.

    C’est une richesse, d’avoir des souvenirs. Oh, parfois, ils sont bien incomplets, on ne retrouve plus la trace d’un pourquoi, d’un comment, ou d’un qui et d’un quoi, voire d’un quand exactement. Ils aident pourtant bien souvent à mieux comprendre le quotidien du jour – même s’il ne faut pas y attacher trop d’importance.
    Ainsi, des lentilles et de leur tri et de la façon dont on occupait les enfants avant, sans se préoccuper toujours du côté culturel de leurs activités.
    C’était un temps de grandes évidences. Il y avait le jour du petit salé aux lentilles; donc, on triait les lentilles ; il y avait celui de la blanquette de veau, et on était envoyé chez le primeur prendre un citron ; ou le jour de la langue de bœuf, et on devait couper les échalotes en tous petits morceaux. Etc.
    Les lentilles, brunes ou vertes ?, avaient été ramenées de chez l’épicier dont l’entrée du magasin était ornée de grands sacs de jute dans lesquels on se servait. Le souvenir du contenant a disparu : on devait certainement les ramener dans des pochettes en papier. On en versait un peu dans une assiette creuse. On triait. C’était impératif, sinon, on risquait de se casser une dent. Et longtemps on a cru que les lentilles poussaient dans la terre, comme les pommes de terre ou les carottes ou les poireaux, puisqu’elles nous arrivaient mêlées aux cailloux. Rusés, ces cailloux : minuscules…. On les enlevait, on les mettait de côté, on transvasait les lentilles triées dans la passoire. Et ainsi de suite.
    Aujourd’hui, au magasin, de grands réservoirs en plastique permettent de se servir au poids, ce qui est tendance, paraît-il, ce qui ravit des tas de jeunes personnes qui clament haut et fort les vertus des petites graines. Serviront-elles une langue de bœuf à midi ?