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La question du lundi : ne pas laisser les blessures avoir le monopole du souffle.

C’est tout à coup que quelqu’un se met à parler de soi-même lors d’une réunion entre collègues, mettant en mots ainsi la douleur qu’on a déjà perçue dans des gestes, dans une maigreur, dans un style vestimentaire, dans des essoufflements, dans des cernes, dans des rires ou dans les aigus d’une voix, dans des épaules qui tombent ou des mains qui tremblent. Ensuite, les échanges sont beaux et riches tout autour des tasses de thé ou de café pour apporter réconfort et témoignages à l’appui. Une question est posée :
- Et toi ? Comment fais-tu ?
On va chercher l’assiette de shortbreads qu’on pose sur la tablette repeinte en bleu vif et on dit que, si blessures il y a eu, si blessures il y a encore, si blessures il y aura certainement, on a toujours fait en sorte d’exister aussi avec elles et, dans les meilleurs des cas, en dehors d’elles car elles ne sauraient réduire notre être à la souffrance et à n’être que plaie. C’est ainsi que doit aller la vie. Il ne s’agit pas de les nier et de faire comme si elles n’existaient pas : bien au contraire, il faut leur laisser de la place ou plutôt, il faut leur laisser de l’air car une souffrance étouffée s’enkyste et s'enflamme. Mais pas toute la place car sinon les blessures ont le monopole du souffle. Comme on parle à un enfant à qui on explique qu’il doit partager, on peut parler à ses blessures en leur disant : « Ecoutez, vous, les blessures, vous n’êtes pas toutes seules ici. Poussez-vous un peu quand même pour qu’il y ait de la place pour le sourire, l’émerveillement devant une fleur, la lumière du ciel ou la simple communauté de la vie. Poussez-vous pour que je puisse respirer un peu. Vous êtes là, je le sais et je ne vous veux pas de mal. Vous êtes les blessures ; je sais bien ce que vous êtes ; je n’ignorerai jamais la cicatrice là sur la peau ou au cœur de mon cœur ou le tréfonds de mon ventre. Oui, vous êtes les blessures et vous êtes là dans ma vie. Je ne peux donc pas vous ignorer. Si je faisais comme si vous n’étiez pas là, vous seriez affolées et, dans votre douleur et dans un terrible sentiment d’abandon, vous ne pourriez que croître de plus belle, exigeant toute mon attention. Mon attention, vous l’avez, soyez-en certaines. Je vais prendre soin de vous, vous prendre à bras le corps pour vous apaiser. Quand vous aurez compris que je vous sais inoubliables, certes, mais que je ne vous laisserai pas me boucher la vue, nous irons d’amble, vous en repères sur mon chemin, moi debout regardant l’horizon. »

Qu’en pensez-vous ?

Commentaires

  • Vos mots me bouleversent, quelle force en vous ! Merci de ce partage, sage bonheurdujour.

  • Ne pas les nier,nos blessures, elles nous rappelleraient à l'ordre de belle façon, mais ne pas leur laisser toute la place...oui, il y a aussi la place pour le sourire, l'émerveillement....et en toute lucidité nous pourrons avancer et nous tenir debout;..Merci pour ce billet

  • Bonjour. J'ai l'occasion ces jours-ci, de rencontrer des gens qui comme moi ont été cabossés dans la vie par leur cadre professionnel. Les histoires sont difficiles à entendre et elles montrent que perdre son identité professionnelle est quelque chose de très douloureux pour nombre d'entre nous. Par contre, j'essaie toujours, dans ces séances, de montrer à mes petits camarades que la vie vaut la peine d'être vécue et qu'il faut apprendre à mettre de côté le temps d'un instant tous les soucis pour s'imprégner du temps présent, de la nature qui nous entoure et des amis qui nous soutiennent. Merci pour ce beau texte sur les blessures. Bises alpines et belle semaine.

  • je pense que c'est formidablement bien dit et qu'il faut que je le retienne, non seulement pour moi mais aussi pour mieux aider d'autres 'blessés'... merci!

  • Au réveil de cette semaine de Pâques, votre souffle
    nous emporte sur les hauteurs !

    Voilà un dialogue original entre soi et soi : bravo et...
    merci pour l'exemple !
    Votre horizon s'éclaire en éclairant le nôtre...

  • Je pense tout simplement que c'est beau et profond, que c'est une magnifique leçon de vie.
    Merci à toi.

  • Oui les blessures font partie de nous et elles contribuent à ce que nous sommes aujourd'hui. Les nier ne sert à rien et je pense aussi qu'ils faut les laisser prendre leur place mais pas toute la place. Merci pour tes mots. Une douce journée

  • La vie , certes, peut nous blesser......Mais la vie peut être belle aussi ! Je pense qu'il nous faut avoir une approche positive de la vie , même si blessures, il y a. Les blessures sont aussi là pour nous faire apprécier, a contrario, ce que peut être le bonheur .

  • CC... un beau texte à lire et à relire... pour ne pas laisser les blessures prendre le dessus !
    Bonne semaine, bisous, câlins à tes Félins

  • Tu as mis sur papier tout ce que je devrais dire à mes blessures au lieu de les ignorer et que soudain elles ressurgissent me faisant encore plus mal et cela dure depuis tant d'années.
    Merci pour ces mots, tu ne peux savoir combien ils me touchent
    Bonne et douce journée

  • Merci pour ces mots ... j'essayerai de les transmettre à fillette qui en a tant besoin en ce moment...

  • magnifique et fécond témoignage merci pour votre blog plein de pensées positives
    bon courage à vous heureuse fête de Pâques

  • Un beau discours de résilience! " Sois sage ô ma douleur ..." ça permet d'avancer ... mais il faut souvent répéter en ce qui me concerne .
    Belle journée !

  • Je suis impressionnée par tant de sagesse, au sens propre et au figuré...
    Merci à vous.

  • Avec un peu de temps, car je suis en vacances, même avec des blessures familials,,,quoi en dire! Je retourne sur tes sâges, belles paroles, quel plaisir en avoir le temps pour en faire une lecture...
    Je lis, et merveille, ce sont pour moi ces paroles, bien sûr pour tous, je lise et j'apprends...et je reste sans paroles, quoi dire!
    Bien sûr il y a de la sâgesse, comme toujours.
    Gros bisous. Sara.

  • oh que c'est bien dit, séraphine! oui on fait AVEC et non pas contre, ni SANS :-)

  • "moi debout regardant l’horizon" avoir toujours ce regard vers l'horizon, c'est bien cela l'objet principal de la maîtrise des douleurs domptées, non ? .... Bonne journée.

  • Etant d'une famille où il vaut mieux trop dire que pas assez, c'est une philosophie qui m'est naturelle... mais vivant des gens qui n'ont pas appris à s'extérioriser, je comprends combien cela peut paraître difficile...

  • Leur laisser de l'air mais pas toute la place, certes. Ne pas laisser nos blessures nous boucher la vue. Tu emploies des images très justes pour dire ces choses, Marie, et c'est essentiel pour être en paix avec soi-même.

  • beau sujet.
    Donner le temps pour l'entendre, la comprendre , la préciser comme un diagnostique pour un cancer y trouver son remede afin de la rassurer de savoir quelle est entendue alors elle se calmera prendra le temps pour s'évacuer tenir de prés le moment de la chimio et des radiations, souvent de soit à soit car l'autre à part quelques exceptions ont peur du trop de demande créer par le bobo petit ou grand.

    la fuite est le médicament souvent offert en ces cas là où être la sans y être..

    La vie redonne souffle à la douleur et à celui qui la porte , et parfois la vie s'allége autour de soi, et la douleur est féconde souvent la toxicité des certains êtres ne peut se parler qua par une forte douleur au corps

    touvons bien diagnostiquons. par d'un coup de vent. car là la douleur s'exprime plus fort et elle peut aller jusqu'à la mort car elle n'a pas peur.

    je t'embrasse chere Séraphine
    belle reflection
    condensé bien sur! Un livre pourrait s'écrire sur ce sujet. et à lire beaucoup par les psy et aussi par ceux qui croivent écouter.
    Attitude de pouvoir bien souvent mais ne font pas beaucoup de boulot sur les douleurs et pourtant le temps parfois en thérapie c'est long très long.

    Que peut on faire avec une psy qui ne bosse pas
    découvrir souvent que c'est nous qui possédons les clés mais avant de le savoir nous pouvons être mortes plusieurs fois.

  • J'ai lu et relu plusieurs fois le texte entre guillemets adressé aux vieilles (ou moins vieilles) blessures. Il faudrait presque le recopier et le placarder devant soi au cas où...

    Dans un style différent cette question rappelle un peu l'histoire des deux loups de l'autre jour...
    Quel loup alimentons nous?

    Au terme d'une belle journée... Je vois les choses de cette manière là. Mais qu'il y ait un concours de circonstances malheureux... et les vieux démons reviennent. Malgré la raison et la lucidité qui disent souvent des choses différentes... (du ressenti profond. Qui embellit ou enlaidit).

    C est une très belle question du lundi et là., tu nous as donné un élément de réponse essentiel...

  • Ton texte me touche beaucoup et je te remercie de l'avoir écrit.
    J'ajouterai que certaines blessures deviennent des cicatrices, et qu'à ce moment là, elles nous permettent juste de nous souvenir sans nous faire de mal. Ne pas oublier est aussi important. Bonne soirée .

  • Je suis très touchée par cette si belle et si vraie leçon de vie. Comment apprivoiser les blessures sans les nier et cependant continuer à voir le bon côté des choses, même lorsque elles deviennent du domaine du minuscule. Actuellement, je reçois cette belle leçon de vie de la part d une cousine qui sait ses jours comptés avec une maladie incurable. Ce texte me fait penser à son attitude et force mon admiration. Merci.

  • tes mots sont beaux, profonds, poétiques.
    Alors je vais te raconter ma chute d'hier ; oh, un peu bête, en promenade dans les Vosges, j'ai heurté une pierre et me suis étalée de tout mon long. Avant de me lever, mon mari prêt à m'aider, j'ai d'abord digéré la douleur, la douleur est l'expression d'une désorganisation, (qu'elle soit morale ou physique), puis j'ai respiré lentement, profondément et j'ai massé le genou maltraité. Et il y a une dispersion de la douleur. JE me suis relevée, ai ramassé mes lunettes cassées et nous sommes repartis. Comme toi, je me dis qu'il est important de prendre en compte la blessure, ne pas la nourrir mais la réconforter pour qu'elle trouve sa place et ne soit plus douleur.
    De plus ces chutes (la deuxième en deux mois) sont là pour m'apprendre quelque chose sur ce que je vis, et me demandent de l'attention.
    Bises et très bonne semaine pascale ; Le Christ a souffert, accepté sa souffrance et s'est relevé.

  • Cela faisait un moment que je n'étais pas venu vous rendre visite....et là, le souffle coupé par tant de justesse, je ne peux repartir sans vous laisser quelques mots...Vos mots, Séraphine, je vais les recopier dans mon carnet de jolis mots, tout à l'heure, quand j'aurai un peu plus de temps...Vos mots sur les blessures et leurs places sont d'une justesse...Je crois bien qu'ils résument beaucoup les livres de centaines de pages ...
    Il y a quelques jours sur Instagram, là, où je papote beaucoup ces derniers temps, j'envoyais ces quelques mots à quelqu'un qui était étouffé par ses blessures :
    "La blessure est l'endroit par lequel la lumière entre en nous" c'est une phrase de Rûmi...
    et j'y ai ajouté qu'en repensant à toutes mes blessures, j'en suis éblouie.
    Alors ce que j'en pense ?
    pour enfin répondre à votre question,
    Oui, cohabitons avec nos blessures, donnons leurs la place dont elles ont besoin pour répandre en nous la lumière de la vie, de l'émerveillement car il n'y a rien de plus précieux.
    Avec toute mon amitié.
    Séverine.

  • Un cas d'école, ressortir mon cahier, et travailler le sujet de ces si justes et bons mots couchés là. J'apprends, j'y arrive dans un contexte, mais pas toujours, j'aimerai y arriver, j'y arriverai un jour. Derrière les souffrances qui amenuisent mon cerveau, donc l'accompagnement que je pourrai m'offrir, une peur est là. Elle prend toute la place et cette coquine de douleur me fait un pied de nez, et je me dis quelques instants plus tard, raté ! Alors la peur dans une main, la souffrance dans l'autre, le débordement chavire la femme ! Remonter ses manches et discuter avec cette peur, elle a le même âge que moi, et nous vivons ensemble depuis si longtemps, je grandis d'année en année, et cette peur devient de plus en plus petite, mais elle est là, je me suis construite autour. Comme une souche d'arbre se réveillant à la vie !

  • J'ajouterai quelle belle question pour un lundi....!

  • Une question du lundi ? Une réponse du mardi pour dire qu'au cœur de la souffrance, c'est magnifique d'écrire un pareil texte, c'est tellement important il me semble de dissocier ce que "nous" sommes, de la maladie, "nous" sommes d'abord un être humain, et "nous" traversons aujourd'hui une difficile expérience et avons à apprivoiser ces blessures... Merci Séraphine, des pensées pour toutes les blessées. brigitte

  • Votre texte est tellement beau, Accompagner ses souffrances ainsi est une preuve de courage. J'envie ceux qui y arrivent mais vos mots sont une fenêtre ouverte sur un début..

  • C'était ma philosophie de la vie mais depuis quelques années l'horizon s'éloigne de plus en plus. Très beau texte d'encouragement, merci.

  • Je vais recopier ce texte afin de l'avoir toujours sous les yeux. Il est tellement riche et je serai heureuse de le relire de temps en temps et de m'en inspirer. Merci.

  • Je pense qu'il y a blessures et blessures, certaines sont plus dures à avaler que d'autres. Et puis il faut sans doute aussi être entouré de suffisamment d'amour. Et avoir les bonnes personnes autour de soi.

  • Tout d'abord, panser ses plaies, les regarder avec bienveillance en laissant du temps au temps et se dire que l'humain a bien des faiblesses mais surtout beaucoup de ressources et .... que ça ira mieux demain.

  • jamais je n'ai entendu, ni lu pareille philosophie ! ces mots me vont droit au moral, ce qu'ils disent juste de la part à accorder à la souffrance, souvent ce sont l'une ou l'autre des situations exprimées qui prennent le dessus des maux endurés ... c'est pourtant dans la mesure que tout se joue dans la vie, mais par rapport à la souffrance je n'aurais pas osé l'imaginer ...
    amitié .

  • Je crois que si il ne faut pas nier nos blessures, apprendre à vivre avec elles peut prendre du temps. le temps de les accepter déjà, de leur faire une place effectivement mais pas toute la place.
    Joli texte.

  • Merci.
    Très tardivement su, dites-le, transmettez-le aussi aux plus jeunes. Et encore un temps de plus pour pratiquer vraiment ce que vous avez découvert...

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