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  • Voici revenu le temps des confitures.


    Les fraises commencent à abonder dans le panier de l’Amap.
    La belle barquette du jour est remplie de très jolis rubis qui font flotter dans l’air un doux parfum, très légèrement sucré.
    Au moment de la déposer délicatement au dessus des blettes, du persil, du cerfeuil, de la coriandre, de la laitue, des fenouils, des radis, de l’ail frais, et des artichauts, s’entendre proposer :
    - Tu veux des fraises pour la confiture ?
    Bondir de joie et récupérer d’autres barquettes aux fruits plus sombres et moins parfaits mais dont le parfum est bien plus odorant.
    Rentrer avec ce trésor, le poser sur le plan de travail, et avant toute chose, équeuter les fruits, les mettre au sucre dans le grand saladier qu’on a redescendu du dessus du placard où il était sagement resté depuis la fin de l’été, les recouvrir d’un grand torchon blanc et laisser tout cela se reposer.
    Imaginer déjà l’odeur dans la cuisine demain matin…
    Imaginer quand la confiture cuira….
    Imaginer quand les pots seront pleins…
    Vivement demain, après-demain, et les jours où, comme d’habitude, on donnera les confitures.

  • Savoir où est le bonheur du jour.

    Même au Printemps, le ciel peut se couvrir et recouvrir comme une chape grise et lourde la vie de chaque jour, rappelant la toute proximité du deuil et de la maladie, de la violence et de la jalousie, de la trahison et de l’abandon ; rendant si proches, trop proches, de petits Edmond Dantès qui voudraient bien tout détruire parce qu’ils ne savent rien faire d'autre, et entraîner avec eux dans un chaos terrible l’ensemble des vivants pour ne laisser là que la mort.
    Le temps est lourd. Moite.
    Sentir sa respiration heurtée, violentée, limitée.
    Voir son corps prostré, affaissé comme une poupée de chiffon oubliée dans un coin poussiéreux de souvenirs faux.
    Ne plus maîtriser son cerveau, avide de tours en rond, d’envahissantes ruminations stériles.
    Et cela pourrait durer.
    Cela dure depuis hier, avant-hier, encore avant.
    Cela durerait encore aujourd’hui, encore demain, encore après.
    Mais non, car on se souvient où est le bonheur du jour.
    Il permettra de vaincre.
    Faire appel à toutes les fleurs du monde.
    Faire appel à tous les poètes du monde.
    Faire appel à tous les écrivains du monde.
    Faire appel à tous les peintres du monde.
    Faire appel à tous les chats du monde.
    Faire appel à toutes les recettes de gâteaux du monde.
    Faire appel à tous les amis du monde.
    Et faire appel à Mozart.
    Ecouter le quintette pour clarinette K 622.
    Déposer là la tristesse.
    Simplement la poser.
    Elle est un fardeau si lourd et tellement inutile.
    Poser sa tristesse pour que le regard se relève.
    Pour que l’instant soit présent, l’instant du jour qu’on est en train de vivre, celui où on respire.
    Inspirer, expirer, inspirer, expirer.
    Inspirer.
    Aimer alors Mozart plus que tout, comprendre encore plus aujourd’hui qu’hier combien il a dû souffrir. Combien de fois a-t-il été si triste qu’il a dû avoir envie de s’arrêter là, de jeter autour de lui des mots de haine ou des chaises ou je ne sais quoi.
    Mais non.
    Il a offert sa tristesse à 7 notes de musique.
    Et il a crée un monde infini et fort, plus fort que tout, tellement vivant, tellement fécond.
    Se relever alors.
    Sortir le petit carnet et écrire.