Premier bouquet de pivoines du printemps, en provenance directe de La Crau (Var).
Il est emballé dans une grande feuille de papier de laquelle dépassent les boutons des fleurs, petits ballons bien ronds d’un rose corail, quand le corail était encore rose.
Tout le long du trajet pour rentrer à la maison, ils semblent ignorer les soubresauts de la route, comme s’ils étaient assoupis ; à moins qu’ils soient tout occupés de leur vie intérieure, entre corolles, pétales, pistils et étamines ; oui, peut-être la répétition générale avant le grand spectacle de la floraison...
Ce n’est que le lendemain matin qu’ils se redressent, mais très légèrement, après avoir passé toute une soirée et toute une nuit dans le grand vase qui est dédié aux pivoines de chaque printemps et posé sur la table bien cirée la veille pour les accueillir. Commence l’aventure de leur épanouissement. C’est un ébrouement quasi imperceptible. Là, un pétale, un seul, se tend alors qu’une multitude de pétales reste en attente, bien à l’abri ; derrière la scène. Il hume l’air ; il prend les repères.
A midi, quand il faut déplacer le grand vase le temps du repas, les boutons sont plus amples dans leurs boules de pétales, c’est très net.
Au soir, l’amplitude s’affirme et quelques cœurs crénelés rejoignent le pétale éclaireur dans cet au-delà d’eux.
Et puis c’est la nuit. A n’en pas douter, il y a eu une conférence de fleurs, quelques derniers réglages afin de déterminer l’ordre de floraison et de rappeler que l’ampleur de la corolle est laissée libre à l’appréciation de chacune, sans oublier toutefois qu’elle ne peut se situer qu’entre incroyable et exceptionnelle.
Au matin, deuxième matin, les fleurs naissent. Leurs pétales, encore tout blottis, encore tout froissés, prennent leur temps vers le déploiement de leur naissance. Un cœur crénelé protège encore pistils et étamines.
Durant tout le jour, et tous les jours suivants, les pétales foisonnent, s’ouvrant vers la lumière, étirant la tige et les feuilles pour aller au plus haut, amenant leur cœur à la lumière.
On sent leur joie. Chaque fleur sourit. Il y a là tout un monde.
N’est-ce pas une des plus grandes joies de la vie que d’assister à l’éclosion d’un bouquet de pivoines ? A moins que ce ne soit ce moment en tête à tête avec ces fleurs quand on s’assied près d’elles uniquement pour les regarder ?
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Pivoines.
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Action de grâce.
Avant de s’enfoncer dans le massif de Notre Dame du Mai en partant de La Guardiole,
quel plaisir de marcher sur cet étroit chemin qui surplombe la mer.
Les yeux s’abreuvent à ce paysage mille fois vu déjà mais que chaque promenade fait redécouvrir
comme s’il venait d’apparaître :
les pins aux troncs tordus qui se penchent vers l’à-pic,
la terre et la roche d’ocre clair,
la haute mer,
le ciel aussi, aujourd’hui gris.
Le sommet attendra : il est bon de se poser pour contempler ;
puis la litanie du ressac sur les cailloux polis comme des grains de chapelet
apporte en don imprévu un long moment d’action de grâce que d’autres appelleraient méditation peut-être.