Ils sont presque tous là, les livres sur la Grèce antique. Quelques-uns, par les aléas de la vie, s’en sont allés vivre leurs vies ailleurs – on ne sait pas où et c’est comme ça. D’autres, on ne les a jamais eus sur un rayonnage parce qu’on les a empruntés dans les différentes médiathèques/bibliothèques fréquentées au fil des temps. Ces « quelques-uns » et ces « d’autres », si on voulait les avoir, on pourrait les acheter ou on pourrait les emprunter à nouveau, même si on a changé de médiathèques. Mais ce n’est pas si simple. Ainsi, de L’Anabase, de Xénophon. Sans l’avoir jamais possédé mais uniquement emprunté, il est encore possible d’en parler avec fougue, d’écrire à son sujet, et de se remémorer outre le contenu, l’après-midi tranquille de septembre au cours de laquelle, face à une fenêtre donnant sur les toits argentés de Paris jusqu’à la Tour Eiffel, on l’a lu d’une traite il y a plusieurs dizaines d’années. Ce n’est pas si simple parce que même si on va à la Librairie Charlemagne au bout de la rue pour y acheter L’Anabase de Xénophon, ce ne sera pas ce livre qu’on a lu ce jour-là. Il n’en aura pas la couleur, l’odeur, le toucher doux des pages mille et mille fois tournés par des lecteurs innombrables et anonymes et nul doute que l’histoire s’en ressentira. Pourquoi prendre le risque d’une déception ?
Ils sont donc presque tous là et on les a réunis sur une seule étagère désosrmais puisque cet été, on le passe avec Odysseus/Ulysse. On a sorti Eschyle, Euripide et Sophocle du rayon Littérature, tous les Hérodote, Claude Mossé, Moses Finley, Jean-Pierre Vernant, Pierre Vidal-Naquet, Pierre Levêque, Hatzfeld et consorts du rayon Histoire, le Comelin du rayon Dictionnaire, Mendelsohn de son rayon Biographies et bien sûr Homère de son rayon Poésie. Ils ont tous été lus, relus, annotés, post-ités, sauf le Lascoux qui commence à subir le même sort, soit sa vie de livre dans cette bibliothèque ; il ne tient qu’à lui d’être à la hauteur de tous ses prédécesseurs. Ils sont parfois un peu jaunis, ont quelques points d’humidité ou une pliure sur la couverture. Sur les pages de garde, une date, un mot ; parfois une carte de remerciement – oui, il y en a une qui émeut encore intensément.
Tout ceci à cause d’Homère qui n’a jamais eu de bibliothèque et d’Odysseus/Ulysse qui n’a jamais lu une ligne ! Tant pis.
emmanuel lascoux - Page 3
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Odysseus/Ulysse. 2
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Livres du matin / du sac à main / du soir.
Le matin, Le monde d’Ulysse, de Moses Finley. Un livre d’histoire sur la Grèce antique durant la période où l’Illiade et l’Odyssée ont été écrites. C’est un livre de format poche, édité dans la collection Points Sciences Humaines. Lu, relu, annoté déjà il y a tant d’années. Homère et les Grecs, Aèdes et héros, Richesse et travail, Domaine famille et communauté, Mœurs et valeurs. Quel plaisir de se replonger dans ce livre !
Dans le sac à main/sac à dos/sac de plage, et en début d’après-midi, l’Odyssée. Lecture chant par chant dans les traductions de Leconte de l’Isle, Bérard, Jaccottet, Lascoux. Les livres vont et viennent : dans le sac un matin, sur la table le lendemain.
Le soir, Vie de poète, de Robert Walser qu’on voulait lire depuis longtemps. Là encore, une belle découverte. Une prose très poétique, un ensemble de textes courts, comme des petites nouvelles sans doute assez autobiographiques. Un grand marcheur, cet écrivain : « Je me rappelle quelque chose de mouillé, de brumeux, de frisquet : ce sera le petit matin qui m’humectait de toute son humidité ; et juste après, quelque chose de brûlant, de blanc et de vert : c’était l’heure de midi avec la poussière de la route et la lumière du soleil, sèche, claire, aveuglante sur les vertes prairies. » (Robert Walser, Vie de poète, Editions Zoé, 2006, p. 6).