Pour bien réussir la soupe à la tomate, il s’agit d’avoir de belles tomates bien bien mûres, et donc bien lourdes. Il en faut deux bons kilos. Celles de J., qui ont poussé à Ollioules, sont parfaites pour cela : on les pèle sans aucune difficulté avec la pointe du couteau et elles expriment un bon jus épais. Au fur et à mesure qu’on les coupe, on les pose dans un saladier, en attente. C’est très important de les poser dans le saladier, et non de les y laisser tomber : il faut toujours respecter les légumes ; imaginez qu’on vous laisse tomber dans un saladier, que diriez-vous donc ?
On prend les pommes de terre. Un kilo à peu près. Celles de M., qui ont poussé à Six-Fours, sont très bien pour la soupe. On lui en a demandé des grosses.
- « Pour la soupe ?
- Oui, pour la soupe.
- Alors il faut des oignons aussi. (Prononcer ou-a-gnons).
- Mettez m’en trois gros. »
On pèle les pommes de terres, grosses et tordues et on les coupe elles-aussi en cubes, avant de les mettre dans un autre saladier.
On pèle aussi les oignons, ce qui fait piquer les yeux, et on se souvient que dans l’antan, on faisait une remarque à propos des peaux de l’ou-a-gnon… Que disait-on ? L’hiver serait froid s’il y avait beaucoup de peaux ou peu de peaux ?
Dans la marmite en fonte, faire fondre du beurre ; un bon morceau. Prendre du vrai beurre, bien jaune. Au fur et à mesure que le beurre fond, ajouter les ou-a-gnons et remuer vivement. Quand tout le beurre est fondu et que les ou-a-gnons commencent à devenir translucides, mettre les pommes de terre puis les tomates.
Aller chercher une branche de romarin sur la terrasse. Dans le placard, prendre le pot rempli de feuilles de laurier et en poser deux sur le dessus. Poivrer. Recouvrir délicatement d’eau, mais pas trop d'eau. Faire cuire à feu vif jusqu’à ce que ça bouille bien puis baisser le feu et laisser mijoter un bon moment. On peut ainsi faire le repassage, regarder une émission sur Clara Haskil, faire le courrier, voire même déjeuner, prendre le café, aller chercher le courrier, et lire le journal car la soupe est prévue pour le soir.
Quand tout semble bien cuit, réduit, facile à remuer, bref, quand c’est le moment, mixer.
Mixer longuement afin que la soupe soit onctueuse. C’est comme une crème.
ollioules
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Dans la cuisine : la soupe à la tomate.
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Du luxe.
On ramène chaque semaine, dans deux cagettes au moins, les légumes de J. : tomates, poivrons, aubergines, courgettes. J. n’omet jamais de rajouter un bouquet de basilic qu’il pose délicatement sur le dessus.
Ces légumes, on sait tout d’eux : où leurs graines ont été plantées et par qui, qui s’en est occupé jusqu’à ce qu’ils soient mûrs à point, qui les a ramassés, qui les a mis dans les cagettes. Ils n’ont connu que l’air d'Ollioules et ils ont quitté leur champ quand on a demandé à les récupérer.
Les aubergines ont la peau lisse et brillante mais le pédoncule et le calice sont extrêmement piquants. Les courgettes offrent autant de variétés de couleurs que de formes : des longues vert foncé, des petites et des rondes vert clair, des oblongues jaunes. Certaines sont bien droites ; d’autres doucement courbées. On fera un farci avec les rondes. Les poivrons ont poussé librement et le montrent bien : bien renflés pour les uns, bien tordus pour les autres. A peine en possession de la cagette, on en attrape un pour le croquer comme ça.
Les tomates, alors là, c’est le festival. Rouges, vertes, jaunes, brunes. Grosses, petites, rondes, longues. On sait que le premier repas qu’on fera de ce panier magnifique en rentrant tout à l’heure, ce sera une salade de tomates. Tomate, plutôt. On prendra la belle grosse tomate rouge, là. Celle dont les joues sont bien renflées. La belle toute dodue. On la coupera en deux et on découvrira sa chair ferme et pleine. On fera des tranches fines qu’on posera sur les assiettes, avec les feuilles du basilic et l’huile d’olive.
Si ce n’est pas du luxe, ça….