Il est des lieux qui emportent loin, bien qu’ils soient souvent proches et accessibles. Quand on y arrive et qu’on y fait les premiers pas, le temps se suspend, le corps se dénoue et le cœur s’apaise, même s’il est tout morcelé. C’est comme si certaines cicatrices encore à vif pouvaient là cesser de l’être pour devenir des sillons comme ceux des champs tout juste labourés dans lesquels se lèveront bientôt des blés bien hauts et des coquelicots et certainement aussi des bleuets pour que ce soit encore plus beau.
Il en est ainsi de Notre-Dame-des-Anges, à Pignans, dans cette forêt des Maures qui m’est si chère.
On peut rester là le temps qu’on veut. Le silence y est toujours limpide car les oiseaux chantent. Les sentiers doux dans les sous-bois piquetés de tâches de lumière et d’ombre. Le regard peut se déployer jusqu’à l’horizon de la mer dont le bleu du matin ne se détache pas encore du ciel car l’étreinte de la nuit est toujours longue à se défaire.
Assise sous le vieux merisier qui offre avec générosité ses cerises d'un rouge encore clair, je suis restée tranquille. Il devait y avoir plein d’anges qui jouaient à cache-cache dans les buissons de millepertuis. Je sentais leur présence quand un léger courant d’air me frôlait.
Bonheur du jour - Page 99
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Notre-Dame-des-Anges.
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Les sanglots longs des violons de l’automne.
Les sanglots longs
Des violons
De l’automne
Blessent mon cœur
D’une langueur
Monotone.
Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l’heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure ;
Et je m’en vais
Au vent mauvais
Qui m’emporte
Deçà, delà,
Pareil à la
Feuille morte.
Paul Verlaine, Chanson d’automne, in Poèmes saturniens, Ed. Livre de Poche, n° 74, présenté par Léo Ferré, notes de Jacques Borel, 1961, p. 69