Avec les amies du groupe de couture et de tricot, au moment de s’asseoir autour de la petite table pour prendre thé, se rendre compte que celle qui reçoit a confectionné, exprès, le gâteau qu’il aimait, parce qu’elle sait que ce jour sera un peu difficile.
Un instant d’émotion, quelques larmes qui voudraient forcer le passage de la joie de vivre, de la joie d’avoir des amies, d’être entourée, d’avoir gravi les échelons du deuil, puis le choix de parler de lui en souriant, de sa façon de faire ce gâteau-là qu’il aimait, en utilisant du sucre glace au lieu du sucre en poudre, par exemple.
De fil en aiguille, chacune parle de sa propre recette, puis on évoque ces gâteaux qu’on aime, les plus simples, qu’on fait depuis des années, sans chichi, sans pompon, quand on se dit, tiens, je vais faire un gâteau aujourd’hui, oui, ces gâteaux qu’on fera toujours parce qu’on sait qu’ils feront plaisir et que tout le monde sait les faire : le gâteau marbré, le cake au citron, et le fameux gâteau au yaourt.
S’ensuit alors une longue conversation, très sérieuse, sur la meilleure façon de faire un gâteau au yaourt.
La plus ancienne du groupe prend la parole et donne ses proportions : un yaourt, trois œufs, trois yaourts de farine, deux yaourts de sucre, trois quarts de yaourt d’huile.
Ah bon ? deux de sucre ? Moi, je mets un et demi de sucre.
Non, il faut deux de sucre.
Pourtant, j’ai toujours mis un de sucre, moi.
Et moi, je mets un d’huile, pas trois quarts.
Un d’huile ? Ca fait pas trop ?
Et quelle huile vous mettez, alors ? Moi, j’utilise de l’huile de pépins de raisin.
Ah bon ? Je prends de l’huile de tournesol. Il faudra que j’essaie l’huile de pépins de raisin.
Et, tout en retournant vers la table de couture, tout en reprenant son ouvrage, continuer la conversation décidément inépuisable.
gâteau des familles
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20 novembre 2013. Gâteaux : marbré, au yaourt, des familles….
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18 janvier 2010. le Grand Vizir du Gâteau des Familles.
En bonne compagnie, déguster, avec une tasse de thé, un gâteau des familles. Se souvenir qu’on en mangeait souvent, avant…. Avant… Avant, quand il y avait déjà eu des morts, certes, mais pas autant que maintenant. Avant, quand celui qu’on appelait, l’Empereur de la mousse au chocolat ou le Grand Vizir du Gâteau des Familles, ou encore le Roi de la pâte à crêpes sans grumeau, prenait toute la place dans la cuisine.
Et si au moment où on porte la cuillère à la bouche, quelqu’un vous fait remarquer combien vous avez les yeux brillants et vous dit : « oh, quelle gourmande ! », il ne faut pas s’en offusquer. Au contraire, il faut rire et dire : « oh oui, je suis gourmande de ce gâteau ! J’en ai souvent mangé quand l’Empereur de la mousse au chocolat, le Grand Vizir du Gâteau des Familles, le Roi de la pâte à crêpes sans grumeau, prenait toute la place dans la cuisine ! C’est si bon ! » Se souvenir, c’est aussi vivre. C’est un bonheur de se rappeler ces moments-là : l’Empereur de la mousse au chocolat, le Grand Vizir du Gâteau des Familles, le Roi de la pâte à crêpes sans grumeau peut encore rester vivant.