Après avoir marché d’un bon pas le long du littoral entre Ospedaletti et Sanremo, prendre le temps de se balader dans les rues de la vieille ville est un autre bon moment. On passe prendre un café dans un lieu qu’on aime bien, où le café est servi systématiquement avec un petit verre d’eau et où on se doit de progresser en langue italienne car personne n’y parle français. On en profite pour prendre la bonne confiture fabriquée par les moniales du Monastère Trappiste Vitorchiano ; cette fois-ci, mirtil et mora. Puis on rentre. Dans une autre rue piétonne, on remarque des rouleaux de toiles cirées, près de bassines colorées, de pots de fleurs, de balais divers. On se souvient qu’une vieille amie veut, depuis longtemps, changer la toile cirée de sa table de cuisine : c’est l’occasion. On choisit la toile qui lui plairait le mieux et on rentre dans le magasin. Minuscule, c’est une sorte de quincaillerie, bondée. On attend son tour en regardant qui acheter quelques clous, un autre un sucrier en verre dont le vendeur, vêtu d’une blouse grise, fait l’article en montrant l’ingéniosité du bec verseur qu’on peut fermer après usage, un troisième quelque chose d’un peu compliqué qu’il fallait, d’après ce qu’on a compris, commander expressément, un autre encore quelques bougies ; à chaque fois le vendeur, volubile, va et vient entre le comptoir et les rayons, attrapant par ci par là des boîtes installées en hautes piles, parlant à tous, calmant les plus pressés, conseillant toujours. Buonasera, dit-on. Au regard interrogateur du vendeur, on répond qu’on voudrait bien un peu de toile cirée. Arrivo ! Arrivo ! Un geste nous fait comprendre qu’on doit attendre dehors. Quand c’est notre tour, le vendeur arrive avec son mètre en bois, demande quelle toile cirée nous ferait plaisir, en étale une puis une autre, dans la rue toujours et quand on choisit, finalement, celle qu’on avait repéré dès le début, affirme qu’on a fait le meilleur des choix possibles. Sur un petit calepin, il calcule le total de l’achat en fonction du prix au mètre. On rentre dans la boutique, on attend que le paquet soit emballé (oui, emballé), on signale que le sucrier vu tout à l’heure nous intéresse. Qu’à cela ne tienne, le vendeur repart vers l’arrière, revient avec le carton de tout à l’heure, l’ouvre à nouveau, montre le sucrier, explique encore le système ingénieux du bouchon verseur et quand on décide de le prendre, nous en félicite, emballe l’objet avec force papier bulle, papier d’emballage et scotch, bien qu’on lui ait dit qu’on allait juste à côté, mais le sucrier est fragile... Ensuite, on va le long d’un étroit couloir bordé jusqu’au plafond de cartons tous étiquetés afin d’atteindre, dans l’arrière-boutique, la machine à carte bleue. Quand on part, mille grazie, buonasera, le vendeur dit au revoir tout en continuant à virevolter tel un danseur.
La toile cirée a été très appréciée. C’était exactement ce qu’il fallait.
ospedaletti
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La toile cirée.
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La question du lundi : quels vœux aimeriez-vous souhaiter ?
A Ospedaletti, on a cherché en vain la maison où Katherine Mansfield a vécu quelques mois car elle n’existe plus – elle a été détruite pendant la dernière guerre. On l’a située, simplement, en se demandant comment elle pouvait bien être, cette petite casetta sans eau courante… Si Katherine Mansfield s’y est retrouvée, c’est parce qu’on n’avait pas voulu d’elle dans l’hôtel de Sanremo où elle s’était installée afin de se reposer. Elle était malade et on l’avait mise dehors, avec perte et fracas, par peur de la contagion.
Il y a pire, bien sûr, qu’Ospedaletti, avec son magnifique front de mer ! On a pensé toutefois que c’était bien triste que cette jeune femme malade n’ait pas été prise en considération.
Ce mot, considération, a donné envie de formuler des vœux particuliers pour 2019, d’autant plus qu’en franchissant la frontière à Menton vers Vintimille, on avait aperçu des réfugiés semblant rebrousser chemin et que l’actualité était pleine d’évocations de vies brisées.
Présenter des vœux, c’est souhaiter pour celui ou celle à qui ont les offre, le meilleur possible. On peut souhaiter une année de paix, le bonheur aussi, la santé évidemment. N’est-ce pas un peu abstrait ? Si on préférait le concret de notre quotidien ?
On aimerait vous souhaiter, pour 2019, d’être pris en considération chaque jour de l’année.
Soit :
Qu’on ne vous oublie pas dans un coin, qu’on n’oublie pas votre nom, qu’on ferme la fenêtre si vous avez froid même si les autres ont chaud, qu’on n’oublie pas de vous écouter jusqu’au bout quand vous racontez une histoire, même la vôtre, qu’on n’oublie pas de vous demander comment vous allez, qu’on n’oublie pas de vous demander si vous avez faim ou soif, qu’on n’oublie pas de vous demander si vous avez bien dormi ni de s’inquiéter de votre santé, que ceux qui sont dans la pièce où vous rentrez n’oublient pas de se lever pour vous dire bonjour, qu’on n’oublie pas d’attendre que vous soyez assis pour commencer à manger, qu’on n’oublie pas de vous laisser le fauteuil le plus confortable parce qu’on vous sent fatigué et de vous glisser un petit coussin dans le dos, qu’on ne vous laisse pas poireauter quand vous avez rendez-vous sous prétexte qu’on vous avait oublié, qu’on n’oublie pas de respecter vos opinions, qu’on n’oublie pas de vous attendre si vous marchez moins vite, qu’on n’oublie pas de partager votre fardeau quand il est trop lourd, qu’on n’oublie pas de vous dire merci, qu’on n’oublie pas de vous dire s’il te plait, qu’on n’oublie pas de vous sourire, qu’on n’oublie pas de vous parler, qu’on n’oublie pas de vous demander la permission avant de vous emprunter vos affaires, qu’on n’oublie pas de vous dire « oh, c’est délicieux » quand vous avez préparé le repas, qu’on n’oublie pas de vous rendre service, qu’on n’oublie pas de respecter votre corps parfois souffrant, qu’on n’oublie pas de vous faire des cadeaux, qu’on n’oublie pas de vous voir, qu’on n’oublie pas que vous êtes là, qui que vous soyez.
Et vous, quels sont les vœux que vous aimeriez souhaiter ?