Dans la grande salle où on vient se restaurer, il y a là un couple, déjà d’un certain âge. Ils sont malvoyants. Elle, dont le corps déformé est aussi lourd à déplacer, même avec la fine canne blanche ; lui, qui lui tient l’épaule, la guidant autant qu’elle le guide. C’est lui qui la sert, allant lui chercher une assiette après lui avoir demandé ce qu’elle préfère parmi ce qui est proposé ; c’est elle qui lui sert à boire après lui avoir demandé s’il a soif. Et, pendant le repas, ils se parlent, tout doucement, par discrétion, riant sous cape quand l’un doit dire une plaisanterie. Ils ne cessent de se sourire. Leurs visages sont sereins et lumineux ; leurs regards chavirés n’entachent en rien cette beauté qu’ils portent en eux parce qu’elle est sans aucun doute celle de l’amour. Au bout de deux repas, ils reconnaissent ceux qui les saluent et alors, se penchant légèrement, disent bonjour et demandent si tout va bien : « Tutto bene ? » Quand ils ont terminé, on les aide à débarrasser, tout simplement parce qu’ils ne sont pas chez eux et qu’ils se repèrent encore mal dans ce lieu où ils sont pourtant déjà venus mais il faut un peu de temps encore, précisent-ils en souriant toujours. Ils repartent pour aller se promener, tranquilles, et si vivants.
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Contemplation, mer turquoise, silence, prendre soin.
Contemplation : Une mer turquoise dont le ressac fait rouler les galets brillants ; un bouquet de pivoines posé sur une commode dans la chambre au très haut plafond ; une vue sur un jardin qu’une large fenêtre au vieux loquet grinçant offre généreusement sans même avoir à se pencher ; la mer, au-delà du jardin, toujours la mer, turquoise d’abord puis bleu outremer puis bleu de l’horizon ; la table en bois ciré sur laquelle on installe les feuilles pour écrire après avoir suivi du doigts les méandres de ses nœuds ; le silence.
Ce qui compte : prendre soin.