Entre deux visites dans un lieu où ne peut rester que deux fois une heure, attendre en lisant.
S’installer dans un lieu sans charme dont les murs sont aussi gris que le sol.
Comme la lumière est faible dans ce recoin où on nous a octroyé le droit de rester, approcher de la fenêtre la chaise en plastique, sorte de coquille inconfortable. Approcher aussi le livre des yeux pour mieux y voir.
Surgit alors des souvenirs, ce tableau de Pieter Janssens Elinga : Femme lisant.
Reposer le livre sur ses genoux et fermer les yeux pour regarder, admirer, dans le musée de sa mémoire, ce beau tableau.
La chaise en bois au dossier ajouré et à l’assise en paille ; la coiffe blanche, la veste rouge et la jupe blanche de la liseuse ; le coffre recouvert d’une étoffe sombre ; la coupe à fruits sur le tabouret ; les portraits sur le murs : des aïeux sérieux et travailleurs qui, peut-être, n’aimaient pas lire parce qu’ils pensaient que c’était du temps perdu ; les chaussures laissées en plan, sur le sol, parce que peut-être la jeune femme était pressée de s’installer pour lire, de se débarrasser de sa vie du dehors pour se poser là, tranquille et seule ; la fenêtre à petits carreaux, dont la moitié est fermée par des volets, laissant le jour arriver par la partie supérieure ; dans un coin, d’autres livres attendent peut-être, ou ont-ils déjà été lus mais la liseuse les garde parce qu’elle les aime. Peut-être.
Sortir alors le petit carnet et tenter, bien maladroitement, de dessiner ce tableau.
Puis, au moment où on reprend sa lecture, penser à tous ceux qui lisent en attendant l’heure de la visite ou le réveil de celui qu’on veille et se dire que c’est quand même un beau cadeau de la vie que d’aimer lire.
CONTEMPLER / Le tableau du jour - Page 7
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Le tableau du jour : Femme lisant.
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Le tableau du jour : Peler des pommes.
Dans la grande cagette, prendre quelques pommes avant d’aller dans la cuisine pour en faire une belle compote parfumée de badiane et de vanille.
Tout en pelant les beaux fruits rouges et jaunes, se souvenir d’un tableau qu’on n’a pas regardé depuis longtemps.
Aller donc chercher dans la bibliothèque un livre de Tzvetan Todorov, Eloge du quotidien ; l’ouvrir à la page du tableau ; le poser contre la crédence.
La reproduction est en noir et blanc, mais on se souvient bien que la femme assise porte une jupe rouge et la petite fille qui la regarde en souriant a, elle, une jupe jaune. Dans leur cuisine aussi, la fenêtre est en hauteur et laisse passer un jour un peu gris. C’est aussi l’automne dans ce tableau de Pieter de Hooch, Femme pelant une pomme.
Et ce sont sans doute ces couleurs, rouge et jaune, qui ont fait surgir ce souvenir ?