Ranger les affaires d’hiver. Sortir les robes d’été. Et le chapeau de paille.
Marcher, marcher, marcher le long de la mer avant d’aller s’asseoir sur le sable noir de Fabregas et de regarder l’horizon.
Recevoir en cadeau un superbe bouquet de soleils.
Avoir un point commun avec les escargots qu’on admire déjà depuis toujours car ils sont imperturbables : raffoler du basilic. Toutefois, on doit progresser encore en tolérance et le temps n'est pas venu où on accepte un total partage des feuilles odorantes. Ainsi, chaque matin, on les cueille comme certains vont peut-être cueillir des fraises dans leur potager, on les ramène dans la cour en les tenant doucement dans la paume et on leur parle gentiment pour ne pas trop les effrayer en leur expliquant les limites humaines.
Poursuivre l’opération baleine : désormais, on prend la mozzarella à l’épicerie italienne en amenant un pot en verre. Soit un déchet plastique en moins.
Bonheur du jour - Page 275
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Moisson du 10 juin 2021.
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Un poème pour la journée. Mignonne, allons voir si la rose.
Quand on passe devant chez cette amie très âgée, on s’arrête toujours pour la saluer. L’hiver, elle sert volontiers un petit café, l’été un verre d’eau pour qu’on se rafraîchisse. Elle est quasiment tout le temps dans sa cuisine maintenant, assise sur une chaise paillée, accoudée à la table recouverte d’une toile cirée aux motifs provençaux. A notre dernière visite, tout près d’elle, un bouquet de roses de son jardin devant lequel on s’extasie. Dans le petit vase en faïence aux flancs bien rebondis, trois roses. Une grosse rose rouge foncé aux larges pétales veloutés dont certains se replient tellement sur eux-mêmes qu’ils en sont presque pointus ; une autre tout aussi large d’un orange rosé, ou d’un rose orangé, cela dépend d’où le regard se pose – sur le bord du pétale, c’est orange, sur sa naissance dans le cœur piqueté d’étamines jaunes, c’est rose ; une troisième encore en bouton, rose tendre. Alors, de quoi parle-t-on ? Des roses. De celles-ci dans le vase tout d’abord.
L’amie parle : Elles ont un nom, mais je ne m’en souviens plus. C’est mon mari qui avait planté les rosiers. Il prenait ses roses chez Meilland. La rouge, je me demande si ce n’est pas une Madame Meilland. Elles sont tellement parfumées.
De celles du jardin, ensuite.
L’amie parle : Il y en a d’autres dans le jardin. Vous en voulez une ?
Et on descend, difficilement, les quelques marches. On longe l’allée bordée de rosiers pleins de promesses de roses et d’autres épanouies. Presque devant chaque arbuste, elle cherche le nom. Elle parle des roses. Elle dit aimer tellement les roses, dont celui-ci ; et elle montre celui aux roses rouge foncé, pourpres.
L’amie parle : C’est comment, déjà, ce poème qui parle des roses ? Vous savez, ce poème, là…
Mignonne, allons voir si la rose ?
L’amie parle : Oui ! C’est ça !
Et on lui récite avec maladresse parce qu’on s’en souvient moins bien qu’on ne l’aurait cru ce poème de Ronsard, que voici pour aujourd’hui, et qu’on lui apportera pour qu’elle le lise si elle y pense.
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teinte au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.