En hommage à Philippe Jaccottet.
Ressentir des émotions
Voilà un appui important
Car c’est être vivant
Etre sorti du néant
Alors quand Philippe Jaccottet meurt
On ressent du chagrin
Vivement
Désemparément
On ressent un vide
Ce vide qu’on connait si bien
Quand il n’y plus rien à toucher plus rien à étreindre pas même le bout de doigts glacés
Là où la pulpe de la chair reste pleine même juste après
Mais c’est alors qu’on est au petit matin
Et qu’on entend le chasse-doute
Qu’il nous a signalé un jour bien important
Puisqu’à partir de lui on a su chasser le doute
Un oiseau chante
Il offre son souffle au monde
Eternel
le souffle de l’oiseau
Eternel
celui du poète
Sur l’étagère ses livres
Tous
Et aussi l’Odyssée
Et aussi les autres poètes partagés
On les prend dans les bras
On les porte contre soi
On les dépose tout près tout doucement
Oh ! mais vraiment tout près vraiment tout doucement !
On y sait tous les mots de toutes les pages
Du bout du doigt, là où la pulpe est pleine
On suit les lettres des titres
On suit les coins des livres
On les caresse en fait
Ils sont là
Les poèmes
A jamais éternellement consolateurs
On s’apaise
On lui dit merci au poète désormais dans les nuées
On lui promet qu’on ira toujours s’émerveiller dans les bois des tâches de lumière et d’ombre.
LIRE / Gourmandise de mots
-
Les appuis.
-
bleu-maman.
Certains livres se lisent vite et ensuite, on a un peu de mal à se souvenir exactement de ce qu’on a lu. On tient le livre dans sa main, on regarde encore une fois la couverture, et on se dit : Bon, eh bien voilà, je l’ai lu – mais on reste sur sa soif.
D’autres livres se lisent lentement. Très lentement. Parce que ce qui y est écrit est bien écrit et beau et qu’on a envie de rester avec ces pages. Parce que ce qui y est écrit touche au cœur et qu’il faut du temps pour passer non seulement d’une page à l’autre mais d’une ligne à l’autre.
C’est ce qui s’est passé avec Transpositions hasardeuses, d’Emma Messana, un magnifique poème à sa mère disparue, illustré d’aquarelles tout aussi magnifiques, qui évoque ces moments terribles que les aidants connaissent hélas très bien : quand on sait que c’est la fin de la vie que celui ou celle qu’on accompagne est en train de vivre et qu’on fait du mieux qu’on peut en sachant parfaitement qu’on n’évitera pas l’inéluctable ; parce que c’est la vie ; parce qu’est la mort.
On a lu les passages sur les mains qui se tiennent, les sommeils profonds qui à la fois réconfortent et inquiètent, les bagues qu’on finit par porter et puis à la page 47, voilà, il y a eu « bleu-maman ». Il a fallu du temps pour reprendre la lecture… et c’était bien de le terminer, ce livre doux et beau, car il a été aussi un partage avec tout ce monde des mamans et des papas disparus, et des enfants qui doivent continuer leur propre chemin.
Merci Emma.