On ouvre les volets mais la nuit s’attarde en dizaines de points lumineux.
Ainsi, la mer est argentée jusqu’au liseré du ciel d’aube qui passe du rose au bleu
Mais, tenté par le gris, s’y laisse fondre aussi.
Les maisons blanches aux toits de tuiles orange restent elles aussi silencieuses
Jusqu’à ce que les cloches sonnent l’heure.
On compte jusqu’à sept.
Alors on peut faire tinter les bols sur la table, siffler la cafetière et couper le pain de maïs.
le matin
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Le matin.
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Passer la soirée sur le rivage des Syrtes.
Parce qu’on est en train de lire, encore plus lentement que d’habitude car on s’arrête constamment pour revenir aux livres qu’il cite, le dernier livre d’Alain Corbin, Une histoire du silence, passer la soirée à relire de larges passages du Rivage des Syrtes, de Julien Gracq.
Les livres de Gracq sont là, tout près, dans la chambre calme et silencieuse : ils ont un espace à eux sur les étagères. Il y a des années de cela, on les a tous recouverts de papier cristal pour les protéger de la poussière. Le volume qu’on prend en main ce soir est pourtant quelque peu défraîchi : la couverture en papier cristal, justement, est déchirée, et malgré le soin qu’on en a pris, le livre semble avoir été manipulé tant de fois... Oui, c’est vrai qu’on le feuillette souvent.
« Il y a dans notre vie des matins privilégiés où l’avertissement nous parvient, où dès l’éveil résonne pour nous, à travers une flânerie désœuvrée qui se prolonge, une note plus grave comme on s’attarde, le cœur brouillé, à manier un à un les objets familiers de sa chambre à l’instant d’un grand épart. Quelque chose comme une alerte lointaine qui se glisse jusqu’à nous dans ce vide clair du matin plus rempli de présages que les songes : c’est peut-être le bruit d’un pas isolé sur le pavé des rues, ou le premier cri d’un oiseau parvenu faiblement à travers le dernier sommeil ; mais ce bruit de pas éveille dans l’âme une résonnance de cathédrale vide, ce cri passe comme sur les espaces du large, et l’oreille se tend dans le silence sur un vide en nous qui soudain n’a pas plus d’écho que la mer ». (page 109).