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Un été avec Virginia Woolf : Mrs Dalloway. 4/4.

Résumons la vie de Clarissa telle que Virginia donne à la voir. Elle est issue d’une famille de la bonne bourgeoisie, aisée sans être très riche ; mais on a un domaine, des chevaux, on reçoit l’été dans la demeure familiale. Bref, on a un rang. On a des principes. Clarissa, jeune fille, ressent des émois face à des personnes qui viennent dîner ou passer quelques jours dans la propriété familiale, l’été. Elle est très attirée par Sally Seton, une jeune fille comme elle, mais plus libre, on dirait plutôt extravagante pour la société de son époque, alors que Clarissa, elle, est très bien définie : on sait qui elle est, on sait qui elle sera. Il n’y aura jamais rien d’étonnant chez Clarissa. Elle tombe amoureuse de Peter Walsh mais, lucide, elle lui préfère Richard Dalloway et la vie toute tracée qui permet d’être tranquille : le mariage, les enfants, la maison, les soirées, …. Réussir sa vie correspond pour Clarissa à certains critères qu’elle ne perdra jamais de vue. Elle sait aussi que la jeunesse est le seul moment où on peut croire aux sentiments, et en particulier à l’amour mais qu’après, on se range : on fait comme tout le monde, on choisit, en général, le moins risqué.
Quand on fait sa connaissance au début du roman, elle a désormais plus de cinquante ans et c’est comme si elle ne se sentait pas le droit d’être heureuse dans sa vie si ordinaire car ceux qui ont compté pour elle et ceux à qui elle accorde à tort de l’importance lui font sentir que sa vie est limitée. Elle est parfois jugée comme étant une snob ; et on dit d’elle qu’elle est gentille, oui, vraiment gentille, mais avec ce petit sourire empreint de mépris que nous connaissons tous, plus ou moins. Elle attend de certains ce qu’ils ne peuvent pas lui donner : l’accepter telle qu’elle est.
Dans le monde de Mrs Dalloway, donner une réception, c’est important. Elle veut que cela soit réussi, car cela sera le signe qu’elle est quelqu’un de bien puisqu’elle aura fait quelque chose de bien ; et c’est important pour son mari, Richard, qui a des perspectives. Mais elle reste la jeune fille qu’elle a été, si romantique : elle va elle-même choisir les fleurs.
Tout à coup, Peter Walsh refait surface à 11 heures du matin, il rend visite à son ancien amour. Mais il la trouve tellement conventionnelle, à la limite irréprochable (la voilà qui reprise sa robe elle-même parce que ses servantes sont débordées à préparer la soirée). Il est touché par sa présence (« elle était là ») mais il ne parvient pas à se départir de son jugement : elle ne fait pas grand-chose, selon lui. (Et lui, que fait-il, au fait ?) Il est d’ailleurs assez insensible au petit mot qu’elle lui envoie peu de temps après son départ. Elle l’a pourtant écrit spontanément, laissant libre cours à ses émotions.
Clarissa Dalloway est magnifiquement banale. Elle a un mari, une fille, une belle maison, des connaissances, elle reçoit aimablement, jusqu’au Premier ministre. Elle voudrait que tout soit simple, que les gens soient heureux ; qu’ils lui disent que les fleurs sont belles, qu’ils sont contents d’être là ; mais ils ne disent pas cela, soit parce qu’ils sont blasés, soit parce qu’ils s’en moquent, soit parce qu’ils la croient fade, cette Mrs Dalloway, trop gentille, trop lisse. Qui se pose la question de savoir ce qu’elle ressent ?
Elle accorde de l’importance à sa réception tout en étant lucide sur le fait qu’il y a sans doute des choses plus importantes à vivre. Mais c’est quoi, ce qui est important ? Car finalement, Peter Walsh, toujours amoureux, mais si critique, attend quand même jusqu’à trois heures du matin pour pouvoir la voir un peu et lui parler peut-être.

Commentaires

  • Mrs Doloway, gentille et lisse, magnifiquement banale, me rappelle que j'ai le titre de Woolf en vue depuis... heu... depuis si longtemps.
    Je serai heureux de la connaître pour savoir ce qu'elle ressent, après ce 4/4 qui laisse Peter Walsh languissant,

  • Bonne lecture. Vous aimerez, j'en suis sûre.

  • Et bien suite à tes chroniques en épisodes, il faut que je me décide à le lire celui-là car je l'ai noté dans ma liste et je ne l'ai pas encore trouvé en Médiathèque...Merci de ce partage passionnant car j'adore lire Virginia Woolf lorsque j'ai un peu de temps devant moi (c'est-à-dire pas les petits-enfants). Belle journée à toi !

  • Quel dommage qu'il ne soit pas en médiathèque ! Et c'est surprenant quand même car c'est le roman le plus connu de Virginia Woolf.
    Bonne journée.

  • Choisir la sécurité, c'est ce que beaucoup faisaient.
    J'espère pouvoir lire bientôt ce lire, chacune de tes pages m'en donne envie.
    Passe une douce journée.

  • Alors j'en suis ravie.
    Bonne journée !

  • Coucou ... Grand MERCI pour ce partage ... tes différents billets m'ont donné grande envie de lire ce livre !!!
    Bonne journée, bisous

  • Je suis bien contente de t'avoir donné envie de lire ce livre et cet auteur.
    Bonne journée !

  • Un livre à lire... Bisous et bon jeudi dans la joie et la tendresse!

  • Bonne journée !

  • J'aime bien Virginia Woolf en général, mais j'ai une pile de livres qui m'attend déjà...

  • On en est tous là.
    Bonne journée.

  • C'est tout le génie de Virginia Woolf de dépeindre Clarissa Dalloway formatée par son milieu pour être une bonne épouse, une bonne mère, une bonne maîtresse de maison, passant presque à côté de sa vie, manquant de courage et d'audace et pourtant réussir à en faire un personnage touchant que l'on oubliera pas. Ce matin j'ai emprunté Croisière à la biblio, traduit par Armel Guerne. Je viens de terminer Miette de Pierre Bergounioux, j'apprécie beaucoup cet auteur qui parle si bien d'un temps révolu en terre limousine austère. Bien à vous.

  • Tant de livres encore à lire.... Quel bonheur d'avoir la possibilité d'avoir ces envies en grand nombre.
    Bonne journée.

  • c'est un délice de te lire. Merci beaucoup. Bonne soirée

  • Merci à toi. Bonne journée.

  • Un livre que j'ai lu trop jeune, ou à un mauvais moment et dont je n'ai sûrement pas saisi toutes les nuances. Vous me donnez envie de le reprendre. Choisir la sécurité, je le vois encore beaucoup de nos jours et je me garderai bien de porter un jugement sur ce genre de choix.

  • Virginia Woolf évoque bien, je crois, les deux côtés de chacune de nos vies : le côté intime, celui des sensations, et celui officiel, de la représentation. Elle n'oublie jamais le premier. Et c'est pour cela que ses romans sont beaux.

  • Vous faites un très beau portrait d'un personnage moins lisse qu'il n'y paraît. En se regardant dans le miroir, Clarissa mesure à quel point, de l'intérieur, elle se sent différente de son image. (Comme Fabienne Jacob dans "Mon âge".)
    Et si Clarissa incarnait au fond ce trouble que nous ressentons tous, homme ou femme, à mesurer notre solitude essentielle, à distance des autres aussi proches soient-ils ?
    Ce qui rend Mrs Dalloway magnifique, c'est la formidable liberté avec laquelle Virginia Woolf restitue le flux de ses perceptions, gestes, pensées tout en s'appuyant sur ce cadre où elle évolue, une journée dans Londres.

  • Il me semble que la solitude soit le propre de chaque personnage de Virginia Woolf. J'en reparlerai dans les notes sur la Promenade au Phare : Mrs Ramsey, mère de 8 enfants pourtant, se sent seule.
    Bonne journée.

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