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En dehors de la machinerie de la parole.

C’est peut-être parce que le soleil inondait la grande salle parsemée de tables autour desquelles des personnes âgées semblaient être tout aussi parsemées,
c’est peut-être parce qu’en entrant chacun disait bonjour,
c’est peut-être parce que les carafes de verre étaient remplies d’une eau parfaitement limpide,
c’est peut-être parce qu’on était en mai,
c’est peut-être parce que les lasagnes étaient délicieuses,
c’est peut-être parce que le mois dernier on s’était dit que ce serait peut-être bien de déjeuner ensemble quand même vu qu’on ne s’est pas vu pendant des années et qu’on l’avait fait mais qu’on n’avait sans doute pas su par où commencer,
c’est peut-être parce qu’on s’est dit qu’on pourrait déjeuner encore ensemble ce mois-ci pourquoi pas,
c’est peut-être parce qu’on a vieilli qu’on a pu se parler sans faire semblant, bien en dehors de la machinerie de la parole (1) et qu’au moment du dessert on a parlé de la mort et donc de la vie
c’est parce que, c’est sûr, toujours le silence est fécond un jour ou l’autre.



(1) La machinerie de la parole, terme utilisé par Max Picard dans Le monde du silence, éd. La Baconnière, p. 113

Commentaires

  • Pour l'instant je parle de la mort sans tabou, Je m y prépare. Du moins matériellement. C est déjà cela...
    Bonne journée.

  • C'est une grande sagesse et une grande force.
    Merci pour ce commentaire qui participe à la vie du blog.

  • Peut-être tout ça, si joliment dit, en effet, mais je crois que l'âge qui nous rapproche à chaque fois de la fin y est pour beaucoup. Et ce n'est pas triste en soi d'en parler. Non, non !

  • Tu as raison, l'âge aide beaucoup pour aborder cette question de la mort. Comme je le disais dans une autre réponse, quand on a vingt ans, c'est normal de ne pas penser à la mort. Et chacun a son propre chemin, ses propres détours, ses retours en arrière, ses bonds en avant.

  • MOI à mon beau-père, il y a de cela très longtemps:
    - A quoi pensez-vous ?
    Lui très irrité par ma question (sûr que je ne recommencerais pas maintenant), me répond:
    - A quoi voulez-vous qu'on pense à mon âge: à la mort évidemment !
    ça m'a servi de leçon, on ne s'invite pas dans la pensée des gens.

  • Pourtant, c'était gentil, comme question. Il y a aussi l'expression "un sou pour vos pensées"...

  • Je pense aussi que votre question était gentille et pleine d'attention. C'est dommage que votre beau-père, en répondant d'une façon si abrupte et si peu amène, ait décidé pour vous et vous empêche peut-être encore aujourd'hui de poser cette question qui montre une réelle attention à l'autre : "A quoi tu penses ?"

  • La réponse de Chêne Vert m'évoque le même propos que m'avait tenu mon père à une époque. En vieillissant, on y pense de plus en plus au lieu de vivre intensément le quotidien !

  • En vieillissant, on pense à la mort d'autant qu'il arrive qu'on voit d'autres personnes plus ou moins du même âge disparaître.
    Merci pour ce commentaire qui participe à la vie du blog.

  • Penser à la mort ,parler de la mort ne fait pas mourir....mais c’est l’opportunité de transmettre ce qui est important, de protéger nos proches, de se questionner: que n’ai-je pas encore fait et qui m’est essentiel pour avoir « bien » vécu?....et continuer son chemin en paix et bien vivant...

  • Votre réponse est pleine de sagesse et ce fut finalement le sujet de la conversation : qu'est-ce qui est important dans la vie ?

  • Un beau texte avec une élégante constriction qui le poétise, posant une radieuse image ensoleillée que conclut abruptement l'ouverture au silence... Un tableau, quoi, une méditation.

  • Merci pour cette appréciation positive de l'écriture même de ce texte. Oui, c'est bien cela, une méditation.

  • C,est une belle parole et l'évocation d'un beau moment. Belle journée à toi.

  • Merci pour ce commentaire qui participe à la vie et à l'enrichissement de ce blog.

  • mon beau-frère vient de mourir, il souffrait de tant de maux dû à la vieillesse d'une vie bien remplie, c'est avec soulagement et sérénité que en acceptons le fait ...
    la mort parfois est salutaire
    amitié .

  • Merci pour ce partage si personnel. Je n'utiliserais peut-être pas moi-même ce mot "salutaire" mais je comprends tout à fait ce que tu veux dire.

  • Bonjour,

    Merci pour votre texte plein de silence et de vie. Il m'intrigue, m'interroge, me plaît.

    La machinerie de la parole : un terme étonnant, qui pose la question des mots prononcés sans âme. Quand on parle vraiment, le silence est ponctuation ; quand on cause machinalement, le silence est refuge.

    Je vous souhaite un bon week-end,
    Pierre.

  • Cette expression "la machinerie de la parole" je l'ai lue il y a longtemps dans ce livre exceptionnel qu'est le monde du silence de Max Picard et dont je suis sûre qu'il vous plairait. Il y montre bien aussi que le silence est une parole.

  • la mort, certains n'en parlent jamais même à la veille de mourir ... et d'autres y pensent tout le long de leur vie, car elle est notre destin commun.
    Bien de se revoir. Ici encore des rencontres par zoom .
    Bises

  • Notre destin commun, oui. La vie et la mort vont de pair.
    Peu à peu, on a la possibilité, quand il y a eu deux vaccinations, de se revoir tout en gardant des distances et en faisant attention.

  • Combien de vraies paroles et d'écoute attentive dans une conversation ? "La machinerie de la parole" est souvent une fuite pour ne pas "parler vrai".
    L'âge a probablement ce privilège d'avantager les vraies paroles.

  • C'est certain. L'expression de Max Picard est vraiment ... parlante. Parfois, on dit aussi que quelqu'un est un moulin à paroles ! Parler pour ne rien dire n'est pas intéressant mais certaines personnes ne peuvent pas supporter le silence.

  • Parler de ce qui vaut la peine d'être évoqué, il faut une certaine sagesse en effet pour y arriver vraiment et sans doute en prenant de l'âge cela devient-il plus facile. Bel extrait d'un livre que je ne connais pas encore

  • Ce livre est une merveille. Il ne se lit pas facilement mais il incite à une réflexion profonde sur la vie et surtout sur ce silence qui lui est indispensable. Un livre culte pour moi.

  • Un beau texte, c'est parfois difficile de parler de la mort et c'est pourtant si "dans l'ordre des choses" . J'en ai parlé avec mon père , un passage qui l'effrayait.
    Bonne journée

  • C'est vrai que parler de la mort est difficile. Mais cela brise une barrière et permet, finalement, de se parler en vérité. Parfois, on tourne autour du pot et à force de reporter à plus tard, on rate la possibilité de se dire ce qu'on avait à se dire de si important.

  • Cela dépend des personnes, avec certaines on peut parler très librement de tout y compris de la mort et avec d'autres il y a beaucoup de sujets tabous...
    Belle journée

  • Effectivement. Cela dépend aussi de la relation qu'on a avec la personne avec qui on parle, justement. Les conversations ne peuvent pas être identiques, et ne doivent pas l'être. Certains moments on peut profiter d'un échange plus léger, mais à d'autres, on sent qu'il est temps d'aborder certains sujets.

  • J'ai perdu ma mère il y a 3 semaines. Même si nos relations n'ont jamais été harmonieuses c'est toujours difficile de perdre une mère.
    Se parler aurait été bien, se dire les choses non évoquées ..... mais nous n'avons pas pu.

  • Il y a des gens qui peuvent, d'autres qui ne peuvent pas...Est-ce une question d'âge ?

  • Sans aucun doute, l'âge y est pour beaucoup. C'est normal, je crois, quand on a vingt ans, de ne pas penser à la mort. Mais quand on commence à vieillir, qu'on perd des gens qu'on aimait, là, la mort entre dans la vie.

  • Merci, Marie, pour ce billet qui, quelque part me rassure quant à mes pensées... J'aimerais parfois bien les exprimer aux enfants.
    Je suis profondément touchée par le commentaire de Petits Bonheurs ; comme je la comprends...
    Je t'embrasse en te souhaitant un paisible samedi.

  • la machinerie de la parole : j'aime cette formule qui dit beaucoup de nos imperfections, de nos faux semblants

  • Certains (même âgés) sont effrayés lorsque l'on parle de la mort. Peut être parce que notre société l'a mise de côté, sous le tapis.
    Les enfants avant la côtoyaient plus souvent, en parler était moins tabou.
    Merci Marie !

  • La mort...Un de sujets de mes préoccupations depuis quelque temps. Je m'y prépare mentalement ce qui , paradoxalement , renforce mon intérêt pour la vie dont j mesure chaque jour l'importance .

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