Traverser la rade en bateau et marcher jusqu’à la Médiathèque Chalucet.
Rendre des livres. Emprunter des livres.
Redescendre vers l’embarcadère.
Au passage, acheter un bouquet d’anémones et du pain.
Rentrer chez soi.
Passer l’après-midi à lire un livre magnifique, qui ne date pas d’aujourd’hui, il est paru en 2002, mais dont le sujet est et restera hélas d’actualité dans notre monde : Devant la douleur des autres, de Susan Sontag.
Le soir, en fermant les volets, regarder le ciel sans craindre qu’il ne nous tombe dessus.
A quelqu’un qui téléphone et demande « comment ça va ? », on ne peut que répondre, devant la douleur des autres justement, celle d’hier, celle d’aujourd’hui, celle de demain, celle d’à côté, celle qui est plus loin : « je vais bien, j’ai de la chance ; bien sûr la vie n’est pas toujours facile, les coups sont parfois rudes, les désillusions peuvent être abyssales, la lucidité a un goût amer, le corps flanche quand même mais je suis libre de faire des petites choses et d’écrire des petits mots. Et toi ? Comment ça va ? » Et la chance se poursuit car on entend cette réponse : « Je vais bien aussi, malgré tout. »
Bonheur du jour - Page 204
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Les petites choses, les petits mots.
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Chalamov, violettes, deux chevaux tranquilles.
Quelques vers de Chalamov dans Cahiers de la Kolyma (1) (région de Sibérie où le poète était en exil dans un goulag) :
C’est que j’aime toujours à l’aube
Plus pure qu’une aquarelle
Le reflet laiton de la lune
Et le trille des alouettes
Quelques violettes sur les bords du sentier dans la forêt. Plus loin, des tapis d’hepatica triloba.
Deux chevaux tranquilles dans leur vaste pré qui se rapprochent aimablement de la barrière une fois qu’on les a salués afin de saluer à leur tour.
(1) Varlam Chalamov, Cahiers de la Kolyma et autres poèmes, Ed. Maurice Nadeau, 2016, p. 54.