Cet endroit de la forêt des Maures, après le barrage du Trapan et jusqu’à la plage de Pellegrin, a brûlé il y a deux ans. En ce matin de printemps, on y marche dans un presque champ d’asphodèles. Elles ont survécu à la rage de l’incendie grâce à leurs racines bien enfouies dans le sol. En ont-elles aussi retrouvé une certaine vigueur ? C’est possible car les promesses de floraison sont tout aussi nombreuses : il faut sans cesse contourner des bouquets de feuilles posées çà et là d’où émergeront des tiges coiffées de grappes de fleurs blanches qui fleuriront progressivement du bas vers le haut. Voici une bonne raison de revenir dans une quinzaine de jours.
Le sol est resté couleur de cendre, surtout entre les touffes de lavande et de cistes à feuilles de sauge. Ceux-ci sont foison. Les fleurs vigoureuses s’offrent totalement aux papillons et autres insectes qui viennent les visiter, se plonger dans leurs étamines avant d’aller ailleurs continuer ce bain de pollen. On respire en passant la main sur les toupets violet foncé qui attirent çà et là quelques papillons citrons l’incomparable parfum de la lavande. Une pause près d’un vaste buisson de lavande permet, parce qu’on reste immobile, d’admirer ensuite le ballet des bourdons.
Les troncs et les branches carbonisées rayent le paysage et freinent le passage. En les écartant, on garde sur les mains d’autres traces de cendres. En contre-bas, tout à l’heure, on a palpé le liège de chênes dont quelques branches reverdissent : l’émotion est là devant cette vie revenue dans ce lieu qu’on vit déchiqueté après le feu roulant sous le vent.
La sente monte et descend, bruisse parfois. Encore plus loin, le monde est devenu jaune : les buissons de ce qu’on croit être de la cytise à feuilles sessiles ont poussé à mi-hauteur des troncs des chênes. Ils font flamboyer les bords du minuscule sentier où affleurent quelques souches. C’est comme un tableau : le jaune des fleurs, le noir des troncs, le vert des feuilles, le bleu du ciel et de la mer qui se confondent. Revient en mémoire cette question de Walt Whitman : « Votre œuvre peut-elle faire vis-à-vis à la pleine campagne et au bord de la mer ? » Oh ! que non ! A jamais on répondra non à cette question, surtout au printemps dans la garrigue et le maquis.
En descendant sur la plage du Pellegrin, on s’assied sur les coussins de posidonies que les marées ou les tempêtes ou les vents, on ne sait pas comment cela s’est fait, ont ramené sur le sable. Ces fleurs de l’eau sont desséchées, désormais couleur du sable qui les a vues naître. L’anse est douce au regard attiré par l’horizon et bercé par le ressac moussu.
Commentaires
la force de la nature, la force, et la nature ...
je suis ébahie devant ton texte, il me conforte dans mes convictions ... que même dans des combats "nature" contre "nature", la nature reprend toujours ses droits ...
c'est en elle, que je puise et que je m"abreuve ...
amitié .
Quelle bouffée de couleurs, de senteurs, de poésie et de
beauté entremêlées !
Merci, chère Marie !
Dans la nuit qui baigne encore la Bretagne,
éclate le feu de la forêt des Maures, hier assassin,
aujourd'hui créateur de vie ...
Chaque jour nous apporte son lot d'images, d'émotions,
de surprises : c'est ainsi que se tisse la tapisserie
de nos vies .
Je connais très bien cet endroit où on accède à pieds par d'autres plages ou alors en voiture (mais parking payant en été). En effet, après un incendie, la nature repart de plus belle. J'avais aussi constaté celà à Hyères après un incendie sur la colline. par contre, quand on s'y promène, on revient un peu noir!!!
Savoir regarder les choses de la nature, celles qui nous attristent mais aussi la force de vie qu'elle nous transmet, espérons que ce massif magnifique renaitra et te charmera encore de ses beautés que tu décris si bien !
c'est avec un billet comme celui-ci que je regrette vraiment qu'il n'y ait pas de photo...
Comme j'aimerais m'asseoir à tes côtés sur les coussins de Possidonie ! J'adore ce dernier paragraphe, mais tout ton texte est d'une beauté qui entraîne à ta suite dans la contemplation et l'amour de cette terre. Je viens de lire ta définition du Bonheur du Jour en haut à droite et c'est tout à fait parfait.
La Nature reprend toujours ses droits et c'est tant mieux !
Beau w-e Marie, bisous et câlins à tes Félins
J'ai écrit "Possidonie", je suis en pleine "Odyssée"... Ce doit être le nom de certaines fleurs ...
J'aime beaucoup la question de Walt Withman que chacun devrait se poser que l'on soit peintre ou simple quidam! ...et surtout nos décideurs .
Mère Nature est comme le phœnix!
Belle journée!
Asphodèles , possidonies , en effet , Homère le grec n'est pas loin , on vous envie ! Les premières asphodèles que j'ai vues , c'était en Galilée , au mois d'avril .
Oui , un incendie de forêt peut être aussi bénéfique , car le sol ainsi réchauffé laisse alors éclater les germes enfouis et une superbe floraison éclôt . La vie est indestructible . A méditer ...
euh sauf que là ce sont des posidonies
des algues marines très très utiles mais y a pas de fleurs
Voir des asphodèles en Galilée.... alors là, ce serait le rêve pour moi. Vous avez raison, en Méditerranée, Homère n'est jamais loin même si on n'est pas en Grèce : c'est un monde à part, à la fois fort et fragile. Cette renaissance est une force.
C'est merveilleusement décrit. Je me suis promenée avec toi dans la garrigue. Merci pour ce beau texte et pour cette riche évocation....
Merci de ce poème magnifique, cette page d'espoir et de philosophie, pour affronter un week-end parisien encore bien tourmenté.
Se mettre à genoux devant la beauté d’une asphodèle... et du texte qu’on l’accompagne.
Et du texte qui l’accompagne...
Merci infiniment pour ce commentaire. Se mettre à genoux devant une asphodèle, oui. Mais devant un texte ? le mien ? Voici qui me touche vraiment en ce début de semaine car j'aime écrire et, surtout, partager ce que j'écris sur les émotions que je ressens.
La nature est forte malgré tout ce qu'on lui fait subir.. j'aime beaucoup votre texte poétique et fort à la fois. merci de votre passage chez moi..
il y a résilience pour les humains mais aussi pour les animaux et les plantes et c'est heureux
ce billet est magnifique, plein de poésie, avec un brin de tristesse pour ce qui est disparu mais une belle once d'optimisme pour ce qui perdure
Bien évidemment, on ne peut qu'être triste de ce qui a disparu à jamais. Porter cette tristesse tout autant que la vie reçue en legs permet aussi d'aller de l'avant et constater que la vie est forte et encore et toujours source de joie.
La nature renaît toujours de ses cendres. Heureusement d'ailleurs !! Ce doit être émouvant de voir les fleurs pousser à nouveau.
J'ai lu ton texte, puis j'ai fermé les yeux etme suis sentie téléportée dans cet univers frais, coloré, bien vivant que tu décris avec tant de poésie.
Merci beaucoup pour ce commentaire. Que quelqu'un puisse me dire que mon texte est poétique et qu'on puisse se sentir "téléportée" sur le lieu que je décris, c'est pour cela que j'écris et que je partage ce que j'écris. Cela me fait du bien.
Bonne journée.
Très beau texte !!! Merci, merci !
Bonne semaine
Il manque juste l'odeur marine .... mais la magie opère ! Merci pour le voyage ! Belle journée.
Au fur et à mesure de la lecture, je visualisais ta progression dans ce lieu meurtri il y a deux ans. Ton texte est splendide, riche de bruissements, de couleurs, de pertes, d'espoir surtout.
Merci Marie pour ce si bel écrit. Bises et belle journée. Claudie.