C'est un poème lu pour la première fois il y a longtemps. Bien souvent relu mais les cinq premiers vers ont toujours suffi pour revenir à ce qui est essentiel, la poésie et son messager, le poète. Que fait donc le poète si ce n'est être au-delà des mots, dans un temps suspendu, forcément éternel ? N'est-il pas en communion avec les mots dont il connaît tout, bien loin du langage des pauvres bavards que nous sommes ?
Quand on a lu pour la première fois "Elle est retrouvée. Quoi ? L'Eternité.", c'est cette belle affirmation du premier vers qu'on a trouvé extraordinaire. Une certitude. Le poète, quand il cherche quelque chose, c'est l'éternité qu'il trouve, c'est le poème qu'il trouve.
Puis, dans le deuxième vers, la question suivie d'une réponse, c'est si beau aussi : le poète n'est pas seul. Il ne peut pas l'être car c'est ainsi qu'il construit son œuvre. Il est comme la mer avec le soleil, toujours en dialogue avec le monde.
Depuis, on tente d'être une âme sentinelle mais...
L'Eternité
Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
avec le soleil.
Ame sentinelle,
....
Arthur Rimbaud, Derniers vers, 1872.
Commentaires
"la mer allée " c'est beau
En te lisant il me vient en tête les premiers mots d'une chanson de Jean Ferrat,
" La mer sans arrêt roulait ses galets", c'est ça l'éternité.
Bonne journée
Je m'en veux car je suis peu sensible aux poèmes. Pour moi, c'est souvent (pas toujours quand même) une langue inconnue où les mots sont sortis de leur sens pour leur en donner un autre qui m'échappe, ou une structure détournée qui donne un autre aspect aux phrases qui me semblent torturées. Et voilà que dans ce cas, je cherche le verbe (parfois inexistant), je cherche le sujet ou les sujets, les compléments, bref, je fais une analyse grammaticale et je tente aussi l'analyse logique souvent en vain et je reste sur ma faim. Parfois, le poème coule de source et je comprends et là j'aime assez mais ne suis jamais en extase. Je suis sûrement très "terre à terre". Peut-être tout simplement est-ce que je ne me laisse pas aller, je ne sais pas me détendre avec les mots. Je le fais mieux avec la musique en général, peut-être parce que là, on y met les mots ou les images que l'on veut !
Je rajouterai que la phrase "la mer sans arrêt roulait ses galets" me plaît beaucoup mais pas de surprise, là, on entend presque le bruit, c'est comme la musique.
Image et musique sont présents dans le poème. Et ces premiers vers sont fascinants et suggèrent une répétition spontanée.
Nous pourrions tous, en gardant la "question", trouver nos réponses, ces petits moments de grâce dans nos vies, qui entrent en résonance avec un mystère qui nous comble.
Très beau poème et pourtant, avec cette répétition, de la première strophe à la fin du texte, les philosophes ont donné à l'auteur des intentions suicidaires et un appel au secours à Verlaine.. il est vrai que le poète entouré de ses mots, n'est pas seul. il y a toujours une page à remplir, un horizon à combler..
Il est vrai que Rimbaud est moins bavard que Paul Valéry.... Dire l'indicible est l'apanage du seul poète, cependant il ne fait qu'en approcher et nous seuls pouvons en juger, selon l'effet que cela nous procure.
Je ne connaissais pas cette suite "Ame sentinelle" : cependant en effet c'est une belle vision. Essayons de l'être.
J'adore et te remercie infiniment.
C'est le début du poème...Mais il se termine par cette strophe (sans l'âme sentinelle, début de la 2° strophe)) C'est une boucle. Et si le poète a perdu la foi, chassé comme tout "humain" du paradis, l'éternité ce besoin essentiel, peut se retrouver en contemplant la mer...la nature......
Il vaut mieux garder aux mots leur beauté, leur mystère, les laisser nous parler. Beau moment!
Ce poème est l'une des trois versions de l'Eternité, l'une publiée dans la Vogue le 7 juin 1886, celle-ci de mai 1872, plus séduisante (manuscrit autographe) (Derniers Vers) et la 3ème version contenue dans "une saison en enfer" ; les trois cependant d'égale longueur (six quatrains) et d'une structure analogue, avec reprise de la même strophe en position initiale et en position finale...
Magnifique poésie dans les "braises du matin", "les dernières lueurs du soleil sur le ciel et la mer"....
Ce poème constitue une sorte de boucle, comme une vie qui revient au néant initial et confirme la thèse suicidaire de notre auteur, simple chantage à l'intention de Verlaine qui accourra immédiatement.
Rimbaud qui vient d'être mis à la porte par Mathilde de leur domicile n'abdique pas et tente désormais de convaincre Verlaine de quitter sa jeune épouse pour lui. Il réussira. C'est avec une poésie fluide, elliptique, toute en imprécisions et incertitudes que notre jeune poète arrivera à ses fins.
"Elle est retrouvée. (./!)
Quoi ? - L'Éternité.
C'est la mer allée (mêlée)
Avec le soleil". (au)
"L'éternité, c'est la joie de l'instant, pour celui qui retrouve l'esprit païen, la mer, le soleil, la nature"
Le texte s'ouvre sur un cri de joie, une sorte d'"Euréka!". Puis, le poète s'interroge sur le sens de l'illumination qui vient de le visiter : il a retrouvé (se dit-il), dans un spectacle de la nature ("la mer allée / Avec le soleil" : "la mer mêlée / Au soleil" dira Rimbaud, plus simplement, dans "Alchimie du verbe"), l'Éternité perdue en même temps que la foi chrétienne de l'enfance qui l'inspire.
Merci Marie !
Merci pour vos précisions. Je suis allée lire les 3 versions , c'est intéressant.
Merci pour ces explications!
Merci pour ces précisions. Je signale la source pour ceux qui veulent consulter l'ensemble du commentaire : http://abardel.free.fr/petite_anthologie/l_eternite.htm;
de ses premiers poèmes aux derniers, ce Rimbaud poète a su me subjuguer !
amitié .
C'est un poète "maudit" que j'aime bien.
Belle journée
certainement parmi les plus beaux vers de notre langue
Éternel Rimbaud... j'ai visité le musée Rimbaud plusieurs fois... quel bonheur! J'adore...
Ces premiers vers s'incrustent dacilement dans la mémoire et reviennent vite dans certaines circonstances .
Belle soirée!
Lire et relire, puis rêver à ces superbes vers qui emportent loin, si loin....merci
Mes références : Rimbaud (Oeuvres complètes) édition établie par André Guyaux, avec la collaboration d'Aurélia Cervoni - Bibliothèque de la Pléiade Nrf
Oeuvres et lettres 1868-1875 - oeuvres en prose et en vers (1868-1873) - une saison en enfer - illuminations - lettres de Rimbaud et de quelques correspondants (1870-1875) - bonne journée à toutes et tous. - Den
La Pléiade, quelle collection fabuleuse... Et une source incontournable. Merci de la citer !
Rimbaud aurait-il imaginé que son œuvre serait un jour publiée dans cette édition de référence, sur papier bible... Aurait-il imaginé que nous le lisions encore et que nous continuions à nous nourrir de sa poésie ?...
Un réel bonheur de le lire, le relire, Rimbaud... et un plaisir incommensurable de feuilleter feuille après feuille cette collection au papier si fin.... remplie de tant d'éléments qui nous rassasient et nous élèvent...
Sylvain Tesson vient de sortir également un livre intéressant "un été avec Rimbaud" avec lequel il a pris la fuite sur son bateau ivre chahuté par les flots..... pendant cette période de confinement !
Bonne lecture.