Quand on passe devant chez cette amie très âgée, on s’arrête toujours pour la saluer. L’hiver, elle sert volontiers un petit café, l’été un verre d’eau pour qu’on se rafraîchisse. Elle est quasiment tout le temps dans sa cuisine maintenant, assise sur une chaise paillée, accoudée à la table recouverte d’une toile cirée aux motifs provençaux. A notre dernière visite, tout près d’elle, un bouquet de roses de son jardin devant lequel on s’extasie. Dans le petit vase en faïence aux flancs bien rebondis, trois roses. Une grosse rose rouge foncé aux larges pétales veloutés dont certains se replient tellement sur eux-mêmes qu’ils en sont presque pointus ; une autre tout aussi large d’un orange rosé, ou d’un rose orangé, cela dépend d’où le regard se pose – sur le bord du pétale, c’est orange, sur sa naissance dans le cœur piqueté d’étamines jaunes, c’est rose ; une troisième encore en bouton, rose tendre. Alors, de quoi parle-t-on ? Des roses. De celles-ci dans le vase tout d’abord.
L’amie parle : Elles ont un nom, mais je ne m’en souviens plus. C’est mon mari qui avait planté les rosiers. Il prenait ses roses chez Meilland. La rouge, je me demande si ce n’est pas une Madame Meilland. Elles sont tellement parfumées.
De celles du jardin, ensuite.
L’amie parle : Il y en a d’autres dans le jardin. Vous en voulez une ?
Et on descend, difficilement, les quelques marches. On longe l’allée bordée de rosiers pleins de promesses de roses et d’autres épanouies. Presque devant chaque arbuste, elle cherche le nom. Elle parle des roses. Elle dit aimer tellement les roses, dont celui-ci ; et elle montre celui aux roses rouge foncé, pourpres.
L’amie parle : C’est comment, déjà, ce poème qui parle des roses ? Vous savez, ce poème, là…
Mignonne, allons voir si la rose ?
L’amie parle : Oui ! C’est ça !
Et on lui récite avec maladresse parce qu’on s’en souvient moins bien qu’on ne l’aurait cru ce poème de Ronsard, que voici pour aujourd’hui, et qu’on lui apportera pour qu’elle le lise si elle y pense.
Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu cette vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teinte au vôtre pareil.
Las ! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ! ses beautés laissé choir !
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !
Donc, si vous me croyez mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez cueillez votre jeunesse :
Comme à cette fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.
Commentaires
Juin mois des roses... parlons des roses, respirons les roses, Cueillons nos roses. Profitons-en
Excellente journée
Vous ne pouviez trouver plus belle illustration de ces jours
où les roses emplissent nos vies de leur beauté,
de leur parfum, et des symboles du temps qui passe trop vite !
Pour quelques jours, j'ai quitté mon jardin de roses
pour venir chez mes enfants restaurer un lieu
où pousseront bientôt des rosiers grimpants
"New Dawn", "Étoiles de Hollande" ou..."Pierre de Ronsard" !
Douce journée de Juin, chère Marie !
Fontenelle : "Si les roses, qui ne durent qu'un jour faisaient des histoires... elles diraient : "Nous avons toujours vu le même jardinier ; de mémoire de rose on n'a vu que lui... Assurément il ne meurt point comme nous, il ne change seulement pas."
Nos roses sont toutes écloses. Une véritable éclosion de pétales, de couleurs et d'effluves !
Bonne journée Bonheur du Jour
Amitiés du Berry
O s'habitue aux roses; on ne sait plus les voir; et puis, à un moment Tilt, on en respire une, on touche le satiné du pétale et on se dit que c'est juste sublime. Cela nous ramène à la beauté sophistiquée de tant de simplicité de la nature; à l'éphémère aussi de toutes choses.
C'est un joli poème, et une très beau moment partagé.
Vieillir, c'est difficile, disait Brel, c'est vrai.
Mais continuons à aller au jardin malgré tout.
Merci pour le partage.
Passez une douce journée.
Doucement le grand âge vient et resté cet amour des roses et des autres.
Profitons de la jeunesse et de la vieillesse.
Bises
Très joli poème et une très doux moment partagé avec une dame qui aime tant les roses, comme elle a raison.
Belle journée
Ah, ce poème, nous l'avions chanté en 1975 avec la chorale au grand prix fédéral en Bretagne et nous avions gagné le concours (morceau imposé) car nous l'avions chanté tout en douceur et velouté alors que les autres groupes l'avaient interprété en fanfare et trompettes
Ronsard vous saurait gré probablement de faire les louanges de son magnifique poème
J'adore les roses, mais comme je n'ai plus de jardin j'en achète souvent ou on m'en offre, cependant celle des fleuristes n'ont jamais de parfum, je me souviens que les miennes embaumaient l'air... J'aime aussi beaucoup ce poème de Ronsard appris à l'école, dont je ne mes souvenais pas très bien non plus les vers à part la première strophe...
Belle journée
Le mieux pour s'en souvenir c'est de la chanter ! C'est de Clément Janequin et c'est ravissant.
Zut ce n'est pas de Janequin... pardon, des idées à moi : mais de Guillaume Costeley :
https://www.youtube.com/watch?v=F8n3SfYL82U
Un texte si bien raconté que j'ai l'impression de vous accompagnez dans cette promenade et de voir tout ce qui est décrit. :)
et quand le grand âge vient on regrette un peu de n'avoir pas suivi à la lettre les conseils de Ronsard ...
amitié .
Oui, cueillons les roses de la vie...et même si l'on arrive à un âge où notre état de santé ne nous permet plus de faire toujours ce que l'on veut!;;;il demeure encore des roses pour nous réjouir
Quel charmant billet Marie sur la rose ! Tout y est, je sens ici son parfum....Merci !
Si joli ton billet Marie, qui parle du temps qui passe, de l'amour des roses, des beautés au jardin, de leur parfum ... de l'attention que tu portes à tout un chacun, comme d'habitude. Merci de faire revive Ronsard et de lire entre les lignes.
Douce journée à toi.
C'est beau, émouvant et mélancolique.
Ce poème je l'ai appris puis entendu par ma mère et ma grand-mère. Je le trouvais triste et je le comprenais sans trop le comprendre.
Cette dame est pleine se charme et de sensibilité et quel plaisir que de revenir chez-soi avec quelques roses.
Bonne fin de journée Marie
Réécouter aussi la magnifique chanson de Françoise Hardy, Mon amie la rose... sur la beauté qui se fane...
Bonne soirée
J'ai tout vu, vous, la dame, le jardin, les roses.... C'est si bien raconté. Quel bel instant !
Ton billet est si touchant...
Je t'embrasse, chère Marie, en te souhaitant bonne nuit.
Justement ce poème, si bien mis en musique par Costeley....
Et bien sûr, Mme Meilland c'est la jaune qui vire au rose.... j'aimerais tant une bouture que je la guigne depuis un souvenir d'enfance
C'est chic de passer ainsi la porte d'une voisine, ce n'est pas si courant !
ps, voici le lien vers Costeley mais à l'occasion, écoutez aussi 'ce ris plus doux que l'oeuvre d'une abeille' d'Anthoine de BErtrand
https://www.youtube.com/watch?v=JrnF0SgUF58
Un grand merci ! Je ne savais pas du tout que ce poème avait été mis en musique !