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  • Un été avec Virginia Woolf : Mrs Dalloway. 3/4.

    C'est bien Mrs Dallowy l’héroïne ; le personnage principal. Quelle expression convient mieux ? Héroïne ? Personnage principal ? … On se demandera plus tard si elle est une héroïne.
    C’est son histoire, sa journée, mais il faut à l’auteur d’autres personnages pour aller jusqu’au bout de sa démonstration.
    Virginia Woolf sait créer de magnifiques personnages et les rendre particulièrement vivants : on sait d’où ils viennent, où ils sont, et où ils iront. S’est-elle inspirée de personnes réelles ? C’est possible. Un écrivain pioche partout où il va, prend un morceau par-ci, un autre par-là, une anecdote ici, un trait de caractère ailleurs ; puis il ou elle rassemble ces morceaux épars que personne n’avait peut-être remarqué jusque-là pour créer une vie à travers un nom et ensuite raconter une histoire. Un écrivain raconte toujours des histoires dont on sait qu’elles ne sont pas vraies, du moins pas forcément, mais que la force de son écriture rend plus réelle que la réalité elle-même.
    Les personnages secondaires qui entourent Clarissa Dalloway aident à mieux la cerner, et à comprendre, surtout, pourquoi Virginia Woolf la préfère, elle, et nous la propose, alors que tout sépare, a priori, ces deux femmes, sauf peut-être quelques traits physiques (un visage très allongé). Elle l’accompagne de Peter Walsh, Sally Seton, Rezia et Septimus Warren Smith.
    Qui sont-ils ? Que proposent-ils au lecteur ? Que nous apprennent-ils sur Clarissa Dalloway ?
    Peter Walsh et Sally Seton ont connu Clarissa jeune. Ils ont été amis et se sont aimés. Sally a fasciné longtemps Clarissa par son extravagance et sa liberté de manières dans le monde conventionnel dans lequel elles vivaient. Peter Walsh a été très amoureux de Clarissa (il l’est certainement toujours) qui elle-même l’a aimé mais lui a préféré Richard Dalloway, homme sans surprise.
    Sally a peut-être couru nue, jeune, dans les couloirs de la maison, a fumé et provoqué son entourage, mais avec le temps, elle s’est assagie : elle s’est mariée à un nouveau riche (très très riche), a eu des enfants (cinq fils), elle reçoit du monde dans sa magnifique demeure. Elle habite Manchester et, si elle ne fait pas partie de la bonne société londonienne, elle a une belle vie.
    Peter est parti aux Indes. Il en revient juste au moment de la réception de Clarissa, car il est tombé amoureux là-bas, enfin, d’une jeune femme bien plus jeune que lui, mariée, mère de famille. Divorcer, c’est compliqué : il faut consulter des avocats. A plus de cinquante ans, il n’a pas d’enfants, pas de métier sûr et il doit aller quémander à Richard Dalloway, qu’il méprise, un emploi pour assurer le quotidien. Il se demande si tout cela vaut la peine. Aime-t-il vraiment cette jeune femme ? L’aime-t-elle vraiment ?
    Pour les deux, qu’en est-il des rêves de la jeunesse ? Ils ont voulu prendre des risques, partir à l’aventure, tout chambouler, tout recréer, et les voilà tous deux assis côte à côte, à la réception de Clarissa, sans que personne ne leur parle : ils sont isolés.
    Ils nous font approcher d’un des thèmes du livre : soit être avec les autres, soit être seul.
    Rezia Warren Smith est italienne. A la fin de la guerre, elle a épousé Septimus, soldat anglais, sûre qu’elle partait alors pour une grande vie. Elle le connaissait à peine mais comment résister à la passion et au rêve ? Au moment de l’histoire, elle se définit uniquement par la négative : elle n’a pas d’enfant ; elle n’aime pas Londres ; elle a quitté toute sa famille…
    Septimus avait tout pour lui : un bon métier, la gloire du héros pendant la guerre… Mais que reste-t-il à vivre quand on a vécu l’horreur ? Ces gens qui, autour de lui, mènent une vie normale, dans quelle mesure sont-ils enviables ? Que lui propose-t-on, à ce Septimus ? Le repos. Reposez-vous et ça ira mieux ! La mort lui semble plutôt la meilleure solution : c’est ce qu’il choisit.
    Pendant ce temps, Clarissa raccommode sa robe, achète des fleurs, fait une sieste, évite de se poser des questions, reçoit tout le gratin de sa société, dont le Premier ministre.



  • Arbres.

    « Ici, en fait, on peut pas compter les arbres tellement y’en a », dit la petite fille à qui on vient de beurrer ses tartines du matin.
    On parle des arbres du village, en particulier les beaux tilleuls dont on attend la floraison pour bientôt ; ceux de la montagne, les pins fiers et droits ; ceux qui sont là tout près, les chênes centenaires qui offrent à la maison un écrin protecteur. On lui raconte qu’il y a longtemps longtemps, on avait voulu avec quelqu’un parti trop tôt planter des belles-de-nuit au Paradis mesurer le tour des troncs des chênes et on s’était mis contre l’écorce bras tendus. A deux, on avait à peine réussi parfois, mais on avait bien ri. Dans les yeux de celle qu’on aimerait bien voir rester si jeune car c’est l’âge de l’espérance et du jeu, l’envie s’affiche de tenter l’expérience.
    - On essaie, si tu veux.
    Pieds nus, on enlace alors les chênes, en allant de l’un à l’autre, en poussant parfois de petits cris quand un caillou nous pique, mais en riant toujours, jusqu’à ce qu’on soit essoufflé et qu’on retourne, les joues rouges, vers la table du petit déjeuner. Le café a refroidi et une abeille se délecte de la confiture d’abricots.