L’été, les journées commencent tôt pour qu’on puisse avancer dans le travail avant qu’il ne fasse trop chaud. Le travail, c’est la lessive, le rangement, un peu de ménage, le repassage, le sol lavé, les quelques courses, la maison aérée avant qu’on ne ferme les volets. Ainsi, pendant que deux boutis tournent régulièrement dans la grosse machine de la laverie, on va prendre les légumes pour la ratatouille, le rôti pour le dimanche, le pain pour la journée. Puis, sur le fil de la grande maison bien rangée désormais, on étend ; à deux. La vieille amie tient dans sa bouche une pince à linge et deux autres dans ses mains. Elle conseille de bien fixer le linge, car il est possible qu’il y ait du vent. Puisqu’elle nous a aidés à étendre nos boutis sur son fil, on attend que sa machine se termine. On prend un café dans la cuisine. On essuiera tout à l’heure d’un coup d’éponge une trace de café laissé sur la toile cirée. A deux encore, on étend les draps et l’alèze : il faut profiter du beau temps. On tire sur le tissu bleu et on le fixe bien. De la main, la vieille dame lisse les draps. C’est comme une caresse.
Le soleil a profité de ce qu’on était occupé pour s’installer : pas de doute, il est temps de fermer les volets. On prend heure pour plier le linge.
Quand cette heure arrive, les cigales à tue-tête bruissent à qui mieux mieux. On remarque que la pelouse est totalement sèche : l’herbe crisse sous les pas. Les draps ont déjà été enlevés : « Oh, mais j’ai déjà tout refait mon lit, dit-elle, les mains sur les hanches, un peu voûtée dans sa robe de coton sans manches. Et là, j’ai commencé mes confitures d’abricots. Cinq kilos. ». On plie les boutis. Ils sentent le soleil. On entre dans la cuisine où trônent des marmites remplies d’abricots trempant dans le sucre. Malgré l’heure, on boit du café. On aide pour la confiture : tout le monde s’y met. On passe les marmites pleines de la table de la cuisine au plan de travail qui prolonge l’évier. On ressort casser les noyaux en utilisant un marteau qui n’a plus d’âge. On pèle les amandes. On les partage également dans les marmites qu’on recouvre de couvercles hétéroclites. Une fois tout cela fait, on nettoie la toile cirée et on pose les bocaux en verre pour qu’ils soient prêts. On estime bien leur nombre. Ils brillent.
Dans cette cuisine, rien n’est bien neuf et sur la table, il y a toujours une coupe à fruits, ou un torchon, ou encore autre chose, parce qu’on vit là. On mange. On prépare le repas. On parle. On boit le café.
Avec tout ça, l’heure est bien avancée. On se fait la bise pour se dire au revoir et on se remercie mutuellement. Promis, demain, on viendra remuer les confitures quand elles cuiront et on aidera à la mise en pots.
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La question du lundi : Le Professeur Cabrol, Sénèque et les choses difficiles.
Loué soit le dimanche après-midi qui permet de se mettre à jour des lectures du journal quotidien. Justement, on y lit un long article sur le Professeur Cabrol qui vient de disparaître, et dont on nous dit qu’il citait souvent cette phrase de Sénèque qu’on découvre alors :
« Ce n’est pas parce que les choses sont difficiles que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que les choses sont difficiles. »
On pose le journal sur les genoux. On tourne le regard vers la terrasse qu’on entraperçoit à travers les volets bleus à moitié fermés. Les deux crassulas sont dans le plein soleil.
Les choses ne deviennent pas forcément faciles quand on ose les faire. Mais d’avoir osé donne une force qui permet de les affronter. Oui, certainement.
Et vous, aujourd’hui lundi, qu’en pensez-vous ? Laissez-vous les choses être difficiles ou bien osez-vous les affronter directement ?