Pas très loin du chemin de la Tourelle, chaque année quand le printemps est bien commencé, il y a un endroit où sont ensemble oliviers, coquelicots et bourrache. Les coquelicots y sont foison, ainsi que la bourrache dont on dit pourtant qu’elle pousse sur les bords des chemins, ou sur les talus. Dans le Guide des plantes médicinales, édition Delachaux et Niestlé, édition 1977, les auteurs utilisent un mot très désuet, en indiquant que la bourrache aime les remblais.
Un remblai, c’est un endroit où on a apporté des matériaux pour construire un muret, par exemple, ou de la terre pour égaliser le sol. La bourrache appréciait-elle plutôt les terres venues d’ailleurs ? Quelle belle ouverture d’esprit !
Or, le petit endroit près du chemin de la Tourelle ne signale aucun remblai… C’est tout simplement plat, petit et beau à couper le souffle. Il s’agit certainement d’une petite partie d’une ancienne oliveraie désormais à l’abandon.
Après des années de tentatives obstinées, on ne cueille plus de coquelicots : ils fanent tout de suite.
On n’a jamais fait non plus de bouquet de bourrache non par crainte de ramener à la maison des tiges molles mais parce que les feuilles ne sont pas attirantes. En effet, la plante est très hispide c’est-à-dire, comme le précise le glossaire de Tela Botanica qu’on ne se lasse jamais de lire, qu’il s’agit d’une plante garnie de poils longs, raides et presque piquants. Avec l’ingratitude qui nous est familière, on ne se préoccupe que des fleurs puisque c’est l’endroit idéal pour en faire provision. On les met dans le petit sac en papier amené pour l’occasion et, la plupart du temps, on les a toutes croquées avant la fin de la promenade. Gourmandise de fleurs.
Les fleurs sont bleues, en grappe, disposées en cyme, lit-on. Une cyme… C’est-à-dire que les fleurs partent du même endroit et arrivent à la même hauteur. On peut le confirmer puisqu’il est très aisé de cueillir les fleurs, même si elles inclinent leurs cinq pétales soudées vers le sol.
La bourrache est une simple, soit une plante médicinale. Certains, parait-il, la surnomme le pain des abeilles. Dès que le mot abeille apparaît quelque part, on se sent aux aguets, tellement on les aime, les abeilles, tellement elles sont en danger .... et on voudrait alors que des remblais soient installés partout partout partout pour que la bourrache y pousse et que les abeilles puissent venir y butiner – ceci après, bien sûr, que tous les pesticides aient été interdits.
« Mais elle est magnifique ! et modeste. Elle s’ouvre pour offrir des fleurs étoilées d’un bleu superbe, vif comme celui d’un regard d’enfant, et qu’elle tourne vers le sol, sans doute pour ne pas humilier la pâleur du ciel. » - Anne-Marie Koenig, Carnets d’un jardin, Grasset, 1994.
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La question du lundi : un droit à la lumière.
Pour poursuivre dans le sens de la question de lundi dernier, voici une citation de Guy Corneau, extraite de son livre Victime des autres, bourreau de soi-même : « Le plus grand cadeau qu’un être puisse se faire à lui-même est de se donner un droit à la lumière et de s’en délecter. » Il voulait dire que ce serait formidable si tous ceux qui souffrent arrivaient à sortir des scénarios contraignants dans lesquels ils vivent. Si on a souligné cette phrase, c’est qu’elle ne fait pas seulement appel à une revendication, mais également à une jubilation. Jubiler d’être soi-même, n’est-ce pas que c’est beau ?