Alors qu’on est encore bien calée dans des oreillers moelleux que des gestes tendres viennent tapoter et remettre en place de temps en temps, des amis passent et amènent avec eux le souffle du dehors. Ils parlent des vignes et du vin et des vendanges auxquelles ils aiment participer. On prend des nouvelles des vignobles : où en est-on à cet endroit ? et à tel autre ? et comment sont les raisins ? et comment on dit que sera le vin cette année ? On les voit bien ces grappes d’un pourpre épais de sang, lourdes aussi. On entend le bruit claquant du sécateur qui les ôte du pied et les sépare des feuilles bientôt automnales.
Quand la récolte sera faite, les pieds de vigne resteront tranquilles. Ils se sentiront, on n’en doute pas, allégés. Seuls sans doute aussi dans leurs espaces parfois vallonnés. De temps en temps le vigneron ira leur rendre visite et touchera là quelques feuilles encore accrochées, ou là quelques brins d’herbe au pied. Avant de quitter le champ, il se retournera comme on le fait quand on quitte la chambre d’un enfant qu’on vient de coucher et il dira peut-être : « A demain ! ». Les nuits seront de plus en plus longues, il pleuvra, il fera froid. Puis un jour encore d’hiver on viendra les tailler en enlevant ce qui serait trop gourmand car il sera temps de penser à l’à venir. Ce sera le réveil : les feuilles viendront au jour tout comme les grains, beaux et fragiles dans le soleil printanier, mais si clairs. Puis viendra l’été et l’abondance du fruit. Et enfin la récolte.
C’est ainsi que la vie semble être parfois comme la vigne.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 166
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De la vigne.
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Force vitale.
Tout en repassant alors que le soleil inonde la grande pièce, écouter de la musique. Mozart, bien sûr qui est au programme de l’émission En pistes !
On se régale des extraits du Don Giovanni dirigé par Jérémie Rhorer, on est moins à l’aise avec la version proposée du Requiem, et puis c’est Menahem Pressler qui joue le premier mouvement de la sonate n°14 K. 457. Il a quatre-vingt-treize ans.
C’est beau comme il joue. Il n’a plus rien à prouver mais simplement à être lui-même, en harmonie avec son être profond et jouer, tout simplement.
Comme il est bon de savoir qu’il y a des gens qui sont ainsi, dégagés de toutes contraintes, mus par une force vitale exceptionnelle ! Ce doit être un homme heureux qui connait l’essentiel.
Mozart était comme ça, dans l’essentiel.