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MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 168

  • La promenade du soir.

    Après dîner, on part faire un petit tour dans le quartier, jusqu’à la baie et retour. Le soir d’été lutte encore un peu avant de laisser sa place à la fin du jour mais on a bien compris qu’il en sera ainsi maintenant : il partira de plus en plus tôt car c’en est bien fini de l’été plus fort que tout. En haut de la côte, déjà on aperçoit la mer. Et quelques bateaux posés pour la nuit. Il n’y a même pas de clapotis sur la berge car les navettes aussi sont rentrées. On s’assied un instant sur le muret dont la pierre est tiède. Au retour, on fait des pauses à chaque figuier respirer leur parfum tantôt âcre tantôt sirupeux et on joue à poser pour la mesurer la main sur quelques feuilles. C’est le figuier qui gagne à ce jeu-là. Après avoir tourné au carrefour, ce n’est plus le même parfum qui règne. C’est celui des belles-de-nuit. Il est frais, et même lumineux comme le jaune des fleurs en corolle. On peut récolter trois ou quatre graines. On les pose le long du mur de la maison, au cas où.

  • Poésie nourrissante.

    Envoyer à quelqu’un qui croit que l’ombre est seulement sombre ces quelques vers d’Anne Perrier :

    Nourris de silence
    Gorgés d’ombre
    Les astres se ressemblent me ressemblent
    Comme autant de questions posées à l’obscurité

    La poésie fulgurante d’Anne Perrier nous accompagne ici depuis quelques jours.
    Ce quatrain, on l’aime car il est la poésie nourrissante. Il n’a pas de point, comme une ouverture totale au monde. Il évoque les astres qu’on regarde la nuit par la lucarne. Il est un hommage au silence qu’on aime depuis toujours. Il comporte le mot question, ami du quotidien. Et puis il évoque l’ombre.
    Le mot ombre a une sonorité humaine car elle suit la respiration : inspirer, om – expirer, -bre. Elle est belle, l’ombre d’Anne Perrier, gorgée de sève. Elle portera la lumière pour toujours. Elle sera une compagne féconde.

    Puis, revient en mémoire un autre poème, de Desnos celui-là :
    J’ai rêvé tellement fort de toi,
    J’ai tellement marché, tellement parlé,
    Tellement aimé ton ombre,
    Qu’il ne me reste plus rien de toi,
    Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres
    D’être cent fois plus ombre que l’ombre
    D’être l’ombre qui viendra et reviendra
    Dans ta vie ensoleillée

    On se souvient d’avoir lu quelque part que ce poème de Desnos était écrit sur un bout de feuille trouvé dans la poche de son costume de prisonnier… Ecrire des poèmes jusqu'au bout.

    Et on continue, dans l’après-midi calme du jour, à feuilleter des livres de poésie.