Le regard de l’enfance a été formé par un vaste paysage dans lequel on circulait en autocar ou à pied – plutôt à pied. On traversait une baie bien lovée contre des montagnes au milieu de laquelle coulait un fleuve que le chemin suivait pour s’ouvrir jusqu’à la plage. Comme tout était grand ! De la falaise d’Abbadie au Jaizquibel, on suivait l’horizon du bout du doigt. En se tournant, on continuait à le suivre en traçant le long des Trois Couronnes et de la Rhune des lignes brisées comme se dessinent en haut d’une feuille des montagnes enfantines. On pouvait poursuivre au creux du ciel avec celles bien rondes des nuages.
On l’a gardé toujours en soi, ce paysage-là : on a regardé toujours loin devant.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 163
-
Ne pas oublier de regarder loin devant.
-
Le matin.
On ouvre les volets mais la nuit s’attarde en dizaines de points lumineux.
Ainsi, la mer est argentée jusqu’au liseré du ciel d’aube qui passe du rose au bleu
Mais, tenté par le gris, s’y laisse fondre aussi.
Les maisons blanches aux toits de tuiles orange restent elles aussi silencieuses
Jusqu’à ce que les cloches sonnent l’heure.
On compte jusqu’à sept.
Alors on peut faire tinter les bols sur la table, siffler la cafetière et couper le pain de maïs.