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LIRE / Un printemps avec George Eliot - Page 3

  • Un printemps avec George Eliot : Middlemarch : prendre le temps de lire ce qui fut long à écrire.

    Par moments, l’urgence est là et un seul livre s’impose comme étant du matin, du sac à main et du soir, et de tous les instants où on peut grappiller un moment de lecture : Middlemarch, de George Eliot. 1150 pages en édition Folio. C’est ainsi qu’à un moment où on sort le livre de son sac on sent les regards alentour converger vers ce « pavé ». Les questions fusent – sachez que ce sont des questions pour lesquelles celui ou celle qui les pose n’attend pas de réponse, et on n’a pas répondu : « Mais c’est encore un nouveau livre ? », ou encore : « Mais qu’est-ce que vous lisez ! et celui-là, c’est pas de la tarte, visiblement… » (et de prendre le volume dans la main pour le soupeser) ; on entend aussi : « Mais vous vous y retrouvez, dans tous les personnages ? », « Mais c’est pas trop compliqué, cette histoire ? », « Mais ça ne vous fait pas mal aux yeux, car c’est quand même écrit petit ? », « Mais… mais…. Vous écrivez sur les pages ? Au stylo ? », « Et c’est qui, George Eliot ? » … Puis la remarque fatale en rendant le volume : « Faut du temps, pour lire ça. »
    Ah oui, le temps… En y réfléchissant bien, c’est de cela dont on aimerait parler : le temps de la lecture. Lire un roman pareil, c’est long. Même si on est passionné par l’histoire, même si on ne rate aucune occasion de lire, même si on y consacre le plus de temps possible dans une journée ordinaire et qu’on ne regarde pas la télévision, c’est long. Pas question, pendant la lecture de Middlemarch, 1150 pages avec préface, chronologie et notes, de céder aux sirènes des nouveautés littéraires dont la plupart, il faut le reconnaître, n’atteint pas les 500 pages. Si on veut arriver au bout, il est préférable de ne pas s’éparpiller, au risque de faire baisser la moyenne de livres lus par mois (il y en a qui note ça…)
    On pense aussi à l’auteur qui a écrit tout ça à la main. On est allé voir quelques pages manuscrites sur le site de la British Library… On imagine un premier jet, une première version, une deuxième peut-être, une version définitive… Le bruit de la plume sur le papier… Un énorme travail pour que nous, lecteurs, nous ayons des heures de lecture passionnée. Des heures de création, des heures d’écriture, un projet pensé de la première à la dernière page : la notice en fin de volume donne à ce sujet des informations très intéressantes. Et une culture… Quelle femme, cette George Eliot, au courant de tout ce qui se passait de son temps, ayant lu elle-même quantités d’ouvrages, ayant des idées et sachant les exprimer, ayant des opinions et faisant tout pour convaincre.
    Mais poursuivons la lecture…



  • Un printemps avec Georges Eliot.


    En refermant Le moulin sur la Floss, roman de George Eliot paru en 1860, on se disait que c’était quand même bien dommage qu’on lise de moins en moins de romans ; les statistiques de vente de livres indiquent que les lecteurs achètent plus de livres de développement personnel que d'autres genres littéraires.
    Lire un roman (un bon roman) a tellement d'avantages.
    En effet, durant cette lecture,
    - pas un moment d’ennui. On lit, on lit, on lit, en se rapprochant de plus en plus de la page au fur et à mesure que la lumière baisse. On trépigne d'impatience quand le repas s'éternise. On oublie de balayer. On est avide de savoir la suite ; par exemple, on se retrouve en haut de la page 466 ? Immédiatement, on se demande ce qu’il y aura page 467, et 468. Etc.
    - beaucoup de moments très très drôles (On relira toujours ce passage désopilant de la tante Pullet montrant à sa sœur son nouveau chapeau).
    - des familles comme on en connait bien ; des tantes, des oncles, des cousines qu’il faut recevoir à la maison, qui se mêlent de tout car ils ont un avis sur tout ; on les adore, puis on les déteste car on espérait un beau cadeau mais en fait ils sont radins.
    - des pauvres malheureux, parfois même bossus et, en plus, orphelins !
    - des méchants, qui envient le bien des autres, qui trompent leur fiancée
    - des pères et des mères qui imposent leurs point de vue à leurs enfants qui soient adhèrent totalement, soit n’en veulent pas, mais restent finalement sous le joug d’un sens du devoir qui les mènera à leur perte.
    - de l’amour – et on dit à Maggie « mais allez, allez, dis-lui oui ! » et quand elle lui dit « non », on en a les bras qui tombent.
    - de la haine – et on dit à Tom : « Ecoute, Tom, c’est pas tes oignons, laisse tomber ! » et quand il cède, on a de la peine pour lui.
    - des joies et des drames, des pardons donnés et peut-être pas complètement reçus, des lâchetés.
    - et on peut lire en restant allongé sur un canapé, vautré à plat ventre sur un lit, en grignotant des muffins et en buvant du thé, en pyjama ou chemise de nuit, c’est selon.

    Mais aussi, on poursuit encore et encore la réflexion qu’on mène depuis toujours sur les dégâts que peuvent provoquer l’étroitesse d’esprit, le respect des conventions, le quand dira-t-on, les contraintes qu’on peut s’imposer, les intransigeances qu’on a envers soit-même … Et on pense à la liberté, ce bien fondamental : Maggie fut-elle jamais libre ?

    Prochaine lecture : Middlemarch.