Parce que ce mois-là est celui où il a disparu, enfoui dans le grand caveau ventru et que depuis ce jour on sème des petits cailloux de bonheur pour retrouver un chemin, on fait en novembre de ces gestes peut-être un peu vains mais qui signalent qu’on est resté dans la vie et qu’on est maintenant définitivement du côté du jour.
Ainsi,
- on plante des bruyères.
- on sème des belles-de-nuits
- on ratisse parfaitement le gravier du jardin
- on achète une nouvelle voiture
- on part en voyage
- on joue au ballon
- on dépose le vieux manteau noir chez Emmaüs
- on cuisine le gâteau qu’il aimait, celui qu’il réussissait parfaitement, avec les petits biscuits Thé-brun et on modifie quelque peu la recette
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14 novembre 2013. Le gateau qu’il aimait.
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24 septembre 2013. Le manteau noir.
Parce qu’il est temps de passer des vêtements d’été à ceux de l’hiver et qu’on a peu de place, il s’agit aujourd’hui de ranger l’armoire. Il s’agit aussi de bien regarder ce qu’on a pour faire le point sur des achats éventuels. L’imperméable, c’est bon. La doudoune, c’est bon aussi. Elle fera encore cette année. Ah, le manteau noir…
Celui-là on le sort et on l’étend sur le canapé. Il est bien usé, il faut le reconnaître. Dans le dos, le tissu semble aminci et le noir virer à une couleur qui n’est plus noire vraiment et qu’on ne saurait qualifier. Aux poignets, il s’effiloche. Vraiment, il faudrait le remplacer. Oui mais comment ?
Ce manteau, on l’a depuis dix ans. Quand un homme qu’on aimait plus que tout est mort et qu’il a fallu l’amener au cimetière, on n’avait pas de manteau noir, ni d’argent pour en acheter un, et une amie délicate avait apporté ici ce même manteau, le posant de la même façon sur le dos du canapé pour qu’on le voit bien, et qu’on se laisse convaincre de le prendre. Bon, il avait déjà plusieurs années, mais il était impeccable. Et on avait dit oui, et on avait dit merci à cette amie qui disait qu’on le lui avait donné, ce manteau, et qu’elle ne le mettait pas parce qu’elle n’en avait pas besoin…
Et on l’avait mis tant de fois. Le jour de l’enterrement, bien sûr, il faisait si froid, et ensuite à chaque visite au cimetière, comme un uniforme obligatoire, et encore et encore tant que le cœur saignait à flots, un peu moins ensuite quand le flot s’est tari à force de couler, mais souvent quand même ces dix dernières années, parce qu’un manteau noir, ça se met facilement et on est toujours un peu chic avec, quand on a une démarche à faire et qu’on ne veut pas faire trop pitié, quand on a un rendez-vous et qu’on veut faire honneur à ses amis.
Mais maintenant, non, il est trop usé. Il faudrait le changer. Mais combien ça coûte, un manteau noir ? On pourrait peut-être, le mois prochain… C’est quand les soldes ? Bon, on va voir, on pourra aller faire un tour dans des magasins, comme ça, pour voir juste, comparer, …. Oui, mais si on le range dans l’armoire, il faudra le mettre car tout ce qui est dans l’armoire doit servir : ici, on n’a pas les moyens ni la place pour le superflu.
A ce moment-là, on sonne et il faut ouvrir la porte. Une voisine rentre des courses et voulait nous proposer quelque chose. On lui a donné plein de vêtements pour qu’elle les amène à Emmaüs et dans le lot, il y a un beau manteau noir qui vous irait très bien. Je reviens, dit-elle. Ce qu’elle fait quelques instants plus tard, les bras chargés d’un magnifique manteau noir tout neuf. Elle le pose sur le canapé, à l’endroit même d’où on vient d’enlever celui qui a servi tant d’années. Il est beau. Il est neuf. On l’essaie. Il est parfait. On dit merci beaucoup, vraiment, merci beaucoup.
Après le départ de la voisine, on le range dans l’armoire et on plie l’autre très méticuleusement en se demandant comment faire pour celui-ci : le jeter ? le donner ?