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la chambre de jacob - Page 2

  • La question du lundi. Relire Virginia Woolf.


    « Dans ces conditions, bien entendu, écrivait Betty Flanders, enfouissant de plus en plus ses talons dans le sable, il n’y avait pas autre chose à faire que de partir.» (Première phrase de La chambre de Jacob, traduction de Jean Talva)
    « Mrs Dalloway dit qu’elle irait acheter les fleurs elle-même. » (Première phrase de Mrs Dalloway, traduction de S. David)
    « Oui, bien sûr, s’il fait beau demain, dit Mrs Ramsay. Mais il faudra se lever aux aurores. » (Première phrase de La promenade au phare, traduction de M. Lanoire)
    « Je vois un anneau suspendu au-dessus de ma tête, dit Bernard. Il tremble et se balance au bout d’un nœud coulant. » (Première phrase de Les vagues, traduction Marguerite Yourcenar)
    « C’était une nuit d’été et ils parlaient, dans la grande pièce dont les fenêtres ouvraient sur le jardin, du puits perdu. » (Première phrase de Entre les actes, traduction de Charles Cestre)
    « C’était un printemps incertain. » (Première phrase de Années, traduction de Germaine Delamain)

    En écrivant hier à quelqu’un qui est en train de relire l’intégralité de La comédie humaine de Balzac, on lui disait qu’en 2023 on relirait Faulkner et Virginia Woolf. Ensuite, en prenant les romans de Virginia Woolf, on en a relu les premières phrases. Chacune contient tout de l’histoire et des personnages. On commencera par La chambre de Jacob, premier roman lu de Virginia Woolf.

    On a souvent évoqué ici la lecture, la relecture de grands auteurs, certes, mais n’est-ce pas un sujet inépuisable ?

    D’où la question du lundi : Et vous, en 2022, envisagez-vous de relire toute l’œuvre d’un grand auteur ?

  • Un été avec Virginia Woolf : La promenade au phare. 1/3.

    Le bonheur de relire.

    Après La chambre de Jacob, Mrs Dalloway, le premier volume de l’œuvre romanesque de Virginia Woolf, éditée chez Stock, contient La promenade au phare. On poursuivra ainsi la relecture de Virginia en suivant l’ordre des trois volumes.
    Déjà, on les regarde. C’est un premier bonheur, ces tranches rose clair, orange et rose Stock dont le papier est déchiré par la vie des livres : être lu, être posé sur la table de nuit, repris, ouvert, fermé, mis dans un sac à main, sorti, rouvert dans le métro bondé, tenu maladroitement des deux mains, refermé, remis dans le sac, repris, etc., et parfois rangé dans des cartons de déménagement, réinstallé sur de nouvelles étagères, poussé, repoussé, et, aujourd’hui, posé là sur la commode, avec tous les autres livres de Virginia Woolf qu’on a accumulés (on les avait d’abord rangés dans le bureau mansardé mais ils étaient trop loin et on ne les voyait pas le soir alors on les a repris à bout de bras, transportés en passant par les deux escaliers et posés en évidence, sous les yeux) attrapé, ouvert, et avant être relu, feuilleté.
    Le livre lui-même raconte des histoires : la sienne ; comment est-il arrivé dans notre vie : le rayon d’une librairie ou le paquet cadeau d’un anniversaire ou d’un Noël ou l’étal du marchand de livres d’occasion sur le marché dominical. Il raconte aussi la nôtre ; où habitait-on à ce moment-là de son arrivée dans notre vie ; quel âge avait-on ; que faisait-on ce jour-là de notre rencontre, allions-nous à la librairie toute proche du bureau, durant l’heure de midi, ou à celle de St Germain en Laye où nous aimions flâner le samedi après-midi après avoir marché sur la Terrasse et avant d’aller prendre un thé. Des signes errants dans le livre reprécisent ces instants : des cartes de visite qui ont servi à marquer des pages ; une carte de fidélité, verte, d’un horticulteur à la Maladrerie ; un ticket de caisse presque effacé.
    On sourit à ces souvenirs et, dans la tête, ils affluent : « Ah oui, je me souviens….. » « Ah oui, j’allais là faire les courses…. » « Ah oui, j’avais pris le thé avec M., ce jour-là, où j’avais aussi acheté Une année à la campagne, de Sue Hubbel »…
    Puis, on s’installe et on commence la relecture des mots.
    « Oui, bien sûr, s’il fait beau demain, dit Mrs Ramsey. Mais il faudra vous lever à l’aurore ».
    Cette première phrase de La promenade au phare, on l’a lue il y a trente-cinq ans. Jamais oubliée. Mrs Ramsey. Elle tricote, raconte des histoires à son fils, se préoccupe des uns et des autres, aime son mari à qui elle est toute dévouée, et puis elle meurt. James. Lily Briscoe. Mr Ramsey.
    Un père. Une mère. Des enfants. Des vacances. Des souvenirs. Des gens qui meurent et dont on se souvient, et qui manquent, et qu’on cherche. On finit toutefois, parce qu’on grandit, parce qu’on vieillit, par comprendre que notre survie a un sens, tout simplement le sens de la vie.
    L’année où on avait lu La promenade au phare, on avait perdu quelqu’un. L’année où on relit ce roman, on a perdu quelqu’un aussi. Les livres viennent à nous quand on en a besoin. Comme ils sont merveilleux.