« Dans ces conditions, bien entendu, écrivait Betty Flanders, enfouissant de plus en plus ses talons dans le sable, il n’y avait pas autre chose à faire que de partir.» (Première phrase de La chambre de Jacob, traduction de Jean Talva)
« Mrs Dalloway dit qu’elle irait acheter les fleurs elle-même. » (Première phrase de Mrs Dalloway, traduction de S. David)
« Oui, bien sûr, s’il fait beau demain, dit Mrs Ramsay. Mais il faudra se lever aux aurores. » (Première phrase de La promenade au phare, traduction de M. Lanoire)
« Je vois un anneau suspendu au-dessus de ma tête, dit Bernard. Il tremble et se balance au bout d’un nœud coulant. » (Première phrase de Les vagues, traduction Marguerite Yourcenar)
« C’était une nuit d’été et ils parlaient, dans la grande pièce dont les fenêtres ouvraient sur le jardin, du puits perdu. » (Première phrase de Entre les actes, traduction de Charles Cestre)
« C’était un printemps incertain. » (Première phrase de Années, traduction de Germaine Delamain)
En écrivant hier à quelqu’un qui est en train de relire l’intégralité de La comédie humaine de Balzac, on lui disait qu’en 2023 on relirait Faulkner et Virginia Woolf. Ensuite, en prenant les romans de Virginia Woolf, on en a relu les premières phrases. Chacune contient tout de l’histoire et des personnages. On commencera par La chambre de Jacob, premier roman lu de Virginia Woolf.
On a souvent évoqué ici la lecture, la relecture de grands auteurs, certes, mais n’est-ce pas un sujet inépuisable ?
D’où la question du lundi : Et vous, en 2022, envisagez-vous de relire toute l’œuvre d’un grand auteur ?
les livres-chevaliers
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La question du lundi. Relire Virginia Woolf.
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Les livres-chevaliers
Dans L’art du silence, Anselm Grün nous invite à réfléchir au silence, bien sûr, et tout autant à la parole. C’est un très beau livre car c’est ce qu’on appelle ici un livre-chevalier, en référence aux chevaliers qui, au Moyen-Age, venaient au secours des plus faibles. Ainsi, quand quelque chose a été difficile, on peut aller y puiser quelques mots qui permettent de se recentrer ; on peut retrouver les repères sur lesquels on a réussi à se construire ; on peut se reprendre si les aléas de la vie ramènent vers des périodes difficiles et venimeuses – on sait que ce temps-là est révolu, mais il a fallu s’y confronter à nouveau, et c’était douloureux.
Voici un extrait de ce livre-chevalier, à méditer : « La question est de savoir si nos paroles éveillent à la vie. Il y a des mots qui figent, des mots qui sont eux-mêmes sans vie et qui étouffent la vie. Quand on dit à quelqu’un : « Tu es un fardeau, une nullité. Je ne veux pas avoir affaire à toi », ce genre de parole fait mourir quelque chose en l’autre, à savoir l’espoir d’une vie qui ait du sens, l’espoir d’être vu et accepté. Il y aussi des mots qui nous ouvrent les yeux et nous font comprendre des choses. Lorsqu’on nous décrit la beauté d’une montagne, on a le cœur qui se dilate. On devine quelque chose de la vérité de la montagne. Et alors la vie afflue en nous, alors nous passons de la mort à la vie. (1) »
(1) Ansel Grün, L'art du silence, Albin Michel 2014, pp. 46/47.