Comme souvent le matin, petit tour chez cette amie âgée à qui on apporte le pain et parfois le journal. Bien qu’il soit tôt, elle est toujours toute pimpante et la cuisine est bien rangée. Elle a déjà sorti ce qui serait son repas, posé sur le potager ; son couvert, assiette, fourchette et couteau, est prêt sur la table.
La trancheuse du boulanger était en panne : il a fallu couper le pain en tranches les plus fines possibles, avant de le remettre dans son sachet. Elle a récupéré dans sa main, en balayant la toile cirée de l’autre, les miettes pour aller les mettre sur la table de la terrasse.
- Pour les oiseaux.
Et puis on s’est assis.
- Vous prendrez bien un petit café ?
- Bien sûr.
En le buvant, on papote. Du temps qu’il fait. Et de la guerre. Celle d’aujourd’hui. Celles de toujours. Celle qu’elle a vécu. Alors, elle parle. Bien sûr, on a déjà entendu tout cela, à de multiples reprises tout au long de ces années écoulées.
L’exode. La maison abandonnée, en partie détruite par une bombe qui dévastera le vaste potager qui nourrissait toute la grande famille et qu’on retrouvera bien plus tard pillée de tout son contenu, le trajet sur le guidon du vélo du grand frère ou sur les épaules d’un oncle, l’accueil dans une ville inconnue, l’incertitude, et puis le retour car il faut bien vivre quelque part, les années de guerre, les recettes avec ce qu’on trouve, la faim, le froid, les morts.
Cette fois-ci, on ne prend pas l’excuse d’autres courses à faire pour d’autres personnes afin de pouvoir partir, puisqu’on sait déjà tout ça. Non, on écoute. Ce n’est pas seulement une dame âgée qui raconte encore une fois son passé, c’est une femme qui a vécu la guerre alors qu’elle était enfant et qui croyait qu’elle ne reviendrait plus, du moins aussi près de chez elle.
On écoute, parce que peut-être, tous ces gens qui ont été touchés dans leur chair n’ont pas été assez écoutés.
Cela pourrait être une piste pour ce mois d’avril : écouter.
Prendre le temps d’écouter ; des dames âgées ; d’autres plus jeunes ou pas ; peu importe. Cesser d’avoir la tête dans le guidon.
Ecouter chaque vie.
pistes pour le mois
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Pistes pour le mois d’avril.
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Pistes pour le mois de septembre.
Ne pas se décourager.
Cela fait longtemps qu’on voulait parler de cela ici. En effet, combien sommes-nous guettés par le découragement qui peut advenir d’un instant à l’autre ? Ne le laissons pas gagner et dès l’instant où nous l’avons reconnu, où nous en avons été la proie, chassons-le. Il est advenu parce qu’on a baissé la garde et qu’on a cessé de continuer à faire ces tout petits pas vers soi-même. Il ne faut pas croire qu’admirer un ciel étoilé le matin au moment où on ouvre les volets, qu’écouter les sonates de Beethoven, qu’observer les pétales mouchetés des belle-de-nuit, envoyer çà et là des coussinets de lavande ne sont que des pis-aller face à l’adversité du monde. Non. C’est dire oui, dire non, dire « je ». Cela, et d’autres choses encore, minuscules, petites, moyennes, grandes, énormes, signifie aussi qu’il n’est pas envisageable de laisser qui que ce soit décider à votre place en tenant en permanence un langage négatif genre « ce n’est pas possible, tu n’y arriveras jamais », ou dépréciatif genre « c’est ridicule, à ton âge » ou « ça ne sert à rien » ou encore culpabilisant genre « mais pour qui te prends-tu ? ».
On se prend pour soi-même, en fait.
En septembre, semons les oui et les non de notre vie courageuse.