C’est un des grands moments du rituel du printemps : l’arrivée à la maison du bouquet de pivoines à l’issue d’un voyage depuis La Crau, soit une vingtaine de kilomètres.
Son vase bleu est prêt.
Le matin, avant l’aller, on l’a dépoussiéré même s’il n’était pas poussiéreux : il se devait d’être impeccable pour recevoir leurs altesses les pivoines de La Crau.
Maintenant, on le remplit d’eau.
Posé bien à plat sur la table, le bouquet attend dans son papier de soie qui le vêt comme un veston bien croisé.
Déliées, les tiges plongent dans l’eau claire
et se déploient
et ploient sous le poids des boutons d’un rouge corail très clair
— le mot qui convient est sans doute coralline ? —
qu’on devine là où sont déjà, mais très légèrement, disjoints les sépales qui enveloppent les pétales des fleurs le temps de leur gestation,
les fleurs qu’on attend
qu’on espère
qu’on admirera
les fleurs qui seront merveilleuses
époustouflantes
tantôt rouges
tantôts jaunes
tantôt roses
à faire pâlir d’envie toute soie.
Pour l’instant, elles sont des boutons bien ronds ;
ronds comme on aime à représenter la Terre,
ou le Soleil,
ou la pleine Lune quand elle est à son apogée de brillance
ou comme toutes les planètes qui nous entourent et que nous ne voyons pas
mais dont nous savons qu’elles existent et qu’elles sont rondes, dans l’immensité de l’espace, sans qu’on sache jusqu’où ;
ronds comme les jaunes des œufs ;
ronds comme ce qui précède à la vie au cœur de la matrice.
Pour l’instant, donc, les pétales sont encore au cœur d’eux-mêmes, intimement repliés au point qu’aucun ne laisse apercevoir la moindre bordure frêle.
Quand la fleur décidera qu’il est temps de fleurir — et elle seule le connaît, ce moment miraculeux —,
ce sera l’épanouissement.
Demain, peut-être ?
Le temps de l’installation du bouquet dans son vase et du vase près de la fenêtre afin que les tourterelles puissent en profiter aussi, un sépale a pointé.
Le veilleur du bouquet ?
sépales
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Le bouquet de pivoines