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la crau

  • Le bouquet de pivoines

    C’est un des grands moments du rituel du printemps : l’arrivée à la maison du bouquet de pivoines à l’issue d’un voyage depuis La Crau, soit une vingtaine de kilomètres.
    Son vase bleu est prêt.
    Le matin, avant l’aller, on l’a dépoussiéré même s’il n’était pas poussiéreux : il se devait d’être impeccable pour recevoir leurs altesses les pivoines de La Crau.
    Maintenant, on le remplit d’eau.
    Posé bien à plat sur la table, le bouquet attend dans son papier de soie qui le vêt comme un veston bien croisé.
    Déliées, les tiges plongent dans l’eau claire
    et se déploient
    et ploient sous le poids des boutons d’un rouge corail très clair
    — le mot qui convient est sans doute coralline ? —
    qu’on devine là où sont déjà, mais très légèrement, disjoints les sépales qui enveloppent les pétales des fleurs le temps de leur gestation,
    les fleurs qu’on attend
    qu’on espère
    qu’on admirera
    les fleurs qui seront merveilleuses
    époustouflantes
    tantôt rouges
    tantôts jaunes
    tantôt roses
    à faire pâlir d’envie toute soie.
    Pour l’instant, elles sont des boutons bien ronds ;
    ronds comme on aime à représenter la Terre,
    ou le Soleil,
    ou la pleine Lune quand elle est à son apogée de brillance
    ou comme toutes les planètes qui nous entourent et que nous ne voyons pas
    mais dont nous savons qu’elles existent et qu’elles sont rondes, dans l’immensité de l’espace, sans qu’on sache jusqu’où ;
    ronds comme les jaunes des œufs ;
    ronds comme ce qui précède à la vie au cœur de la matrice.
    Pour l’instant, donc, les pétales sont encore au cœur d’eux-mêmes, intimement repliés au point qu’aucun ne laisse apercevoir la moindre bordure frêle.
    Quand la fleur décidera qu’il est temps de fleurir — et elle seule le connaît, ce moment miraculeux —,
    ce sera l’épanouissement.
    Demain, peut-être ?
    Le temps de l’installation du bouquet dans son vase et du vase près de la fenêtre afin que les tourterelles puissent en profiter aussi, un sépale a pointé.
    Le veilleur du bouquet ?

  • Pivoines.


    Premier bouquet de pivoines du printemps, en provenance directe de La Crau (Var).
    Il est emballé dans une grande feuille de papier de laquelle dépassent les boutons des fleurs, petits ballons bien ronds d’un rose corail, quand le corail était encore rose.
    Tout le long du trajet pour rentrer à la maison, ils semblent ignorer les soubresauts de la route, comme s’ils étaient assoupis ; à moins qu’ils soient tout occupés de leur vie intérieure, entre corolles, pétales, pistils et étamines ; oui, peut-être la répétition générale avant le grand spectacle de la floraison...
    Ce n’est que le lendemain matin qu’ils se redressent, mais très légèrement, après avoir passé toute une soirée et toute une nuit dans le grand vase qui est dédié aux pivoines de chaque printemps et posé sur la table bien cirée la veille pour les accueillir. Commence l’aventure de leur épanouissement. C’est un ébrouement quasi imperceptible. Là, un pétale, un seul, se tend alors qu’une multitude de pétales reste en attente, bien à l’abri ; derrière la scène. Il hume l’air ; il prend les repères.
    A midi, quand il faut déplacer le grand vase le temps du repas, les boutons sont plus amples dans leurs boules de pétales, c’est très net.
    Au soir, l’amplitude s’affirme et quelques cœurs crénelés rejoignent le pétale éclaireur dans cet au-delà d’eux.
    Et puis c’est la nuit. A n’en pas douter, il y a eu une conférence de fleurs, quelques derniers réglages afin de déterminer l’ordre de floraison et de rappeler que l’ampleur de la corolle est laissée libre à l’appréciation de chacune, sans oublier toutefois qu’elle ne peut se situer qu’entre incroyable et exceptionnelle.
    Au matin, deuxième matin, les fleurs naissent. Leurs pétales, encore tout blottis, encore tout froissés, prennent leur temps vers le déploiement de leur naissance. Un cœur crénelé protège encore pistils et étamines.
    Durant tout le jour, et tous les jours suivants, les pétales foisonnent, s’ouvrant vers la lumière, étirant la tige et les feuilles pour aller au plus haut, amenant leur cœur à la lumière.
    On sent leur joie. Chaque fleur sourit. Il y a là tout un monde.
    N’est-ce pas une des plus grandes joies de la vie que d’assister à l’éclosion d’un bouquet de pivoines ? A moins que ce ne soit ce moment en tête à tête avec ces fleurs quand on s’assied près d’elles uniquement pour les regarder ?