C’est une richesse, d’avoir des souvenirs. Oh, parfois, ils sont bien incomplets, on ne retrouve plus la trace d’un pourquoi, d’un comment, ou d’un qui et d’un quoi, voire d’un quand exactement. Ils aident pourtant bien souvent à mieux comprendre le quotidien du jour – même s’il ne faut pas y attacher trop d’importance.
Ainsi, des lentilles et de leur tri et de la façon dont on occupait les enfants avant, sans se préoccuper toujours du côté culturel de leurs activités.
C’était un temps de grandes évidences. Il y avait le jour du petit salé aux lentilles; donc, on triait les lentilles ; il y avait celui de la blanquette de veau, et on était envoyé chez le primeur prendre un citron ; ou le jour de la langue de bœuf, et on devait couper les échalotes en tous petits morceaux. Etc.
Les lentilles, brunes ou vertes ?, avaient été ramenées de chez l’épicier dont l’entrée du magasin était ornée de grands sacs de jute dans lesquels on se servait. Le souvenir du contenant a disparu : on devait certainement les ramener dans des pochettes en papier. On en versait un peu dans une assiette creuse. On triait. C’était impératif, sinon, on risquait de se casser une dent. Et longtemps on a cru que les lentilles poussaient dans la terre, comme les pommes de terre ou les carottes ou les poireaux, puisqu’elles nous arrivaient mêlées aux cailloux. Rusés, ces cailloux : minuscules…. On les enlevait, on les mettait de côté, on transvasait les lentilles triées dans la passoire. Et ainsi de suite.
Aujourd’hui, au magasin, de grands réservoirs en plastique permettent de se servir au poids, ce qui est tendance, paraît-il, ce qui ravit des tas de jeunes personnes qui clament haut et fort les vertus des petites graines. Serviront-elles une langue de bœuf à midi ?
sacs en papier
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L’antan : trier les lentilles.