Les livres sont vivants. Ce sont eux qui viennent à nous quand nous en avons besoin. Ainsi, Regain, de Giono, est revenu en ce début d’été, comme une urgence, quand on a senti que la vie s’effilochait un peu trop et qu’il fallait poser quelques balises de couleurs.
Le volume Regain, qu’on avait lu il y a quarante ans, et bien il n’était plus dans la bibliothèque. D’autres manquaient aussi. Après un bon moment plantée devant les étagères, on lance d’une voix déterminée : « Samedi, on va à Manosque. Ce n’est pas si loin.»
C’est si joli, Manosque. On s’y promène. On flâne. Il fait chaud et beau. C’est parfait. En sortant de l’église, on s’arrête à la librairie Le petit pois pour racheter les Giono qui manquent – car il y en a d’autres qui manquent. Les livres pèsent dans le sac à dos mais peu importe. Si jamais le vent se lève, ils seront un lest opportun.
Dans la chambre d’hôtel qui donne sur des chênes centenaires, on étale le soir-même tous les livres sur le lit. Les anciens qu’on a amenés de la maison. Les nouveaux ; les neufs. Les couvertures sont impeccables : aucun coin corné, les pages sont lisses, aucun bout de papier ne dépasse, sur lequel on a noté un mot ou deux. On n’y découvrira pas non plus d’anciens tickets de bus ou de vieilles cartes postales ayant servi de marque-page. Ils ne s’ouvrent pas encore d’eux-mêmes aux pages qu’on aime.
« Tout bleu d’iris, terre et ciel avec, à l’ouest un bouquet de nuages ; le jeune soleil marche, enfoncé dans les herbes jusqu’aux genoux. Le vent éparpille de la rosée comme un poulain qui se vautre. Il fait jaillir des vols de moineaux qui nagent un moment entre les vagues du ciel, ivres, étourdis de cris, puis qui s’abattent comme des poignées de pierres ».
« Demain, on ira à Valensole ; de très bonne heure. »
Il est bon de marcher au milieu des champs de lavande, chemin du Riou. Il n’y a personne, là. Rien que les abeilles, les lavandes, les oliviers, les champs – et des petits chemins avec ça où là une pierre sur laquelle on peut se poser.
On sort de la poche Regain. On relit le passage sur le bleu : « Tout bleu d’iris ». On n’avait jamais remarqué que parfois, oui, le bleu d’iris et le bleu lavande sont presque jumeaux.
« Quand le courrier de Banon passe à Vachères, c’est toujours dans les midi. »
"Il faudra aller à Banon, aussi".
Gaubert - c’est lui qui forge des socs de charrue ; il s’en va d’Aubignane au début du livre ; il emmène son enclume et ensuite quand Panturle reviendra le voir, il la lui donnera ; l’enclume fera ainsi l’aller et le retour. Caroline, c’est la chèvre. La Piémontaise, la zia Mamèche. Quelle femme forte… Quelle fécondité, finalement… Et Panturle. Ah la la, Panturle. Une force de la nature ; il ne fait qu’un avec la terre et le ciel : « Il est solidement enfoncé dans la terre comme une colonne. »
Gédémus, le rémouleur, celui qui a pris Arsule avec lui ; elle lui tire la charrette. Et Arsule, ah, la voilà. Irène avant, Arsule maintenant. Son teint est blême comme le navet. Elle aspire à la vie : « Elle suit Panturle. Ils sont sur le bord de ce plateau où elle a eu à la fois tant de peur et tant de chaleur d’amour. Elle y pense. Elle pense que c’est le vent qui a été son marieur. Sa vie n’a commencé que de là. Tout «l’avant » ne compte plus guère. Elle y pense de temps en temps comme on pense à du mal dont on s’est guéri. Et quand elle y pense, elle a tout aussitôt besoin de regarder Panturle. Elle vit avec tranquillité enfin, et de la joie de toute espèce, on peut bien dire »
. Comment il s’appelle, aussi, celui qui prête les semences, et le cheval ? … L’Amoureux ! Sa femme, c’est Alphonsine. Ils ont deux enfants, Jean et Elise. Tiens, on ne les avait pas remarqué, à l’époque, ces deux prénoms. Pour le goûter, leur mère leur donne une tranche de pain, trois figues sèches et deux noix qu’elle sort de sa poche. Désiré, Delphine, et leurs enfants Madeleine, Pascaline et Joseph ; ceux qui viennent s’installer à Aubignane pour une nouvelle vie.
« C’est un jour clair. On voit bien des choses. Ca arrive net et propre devant les yeux et l’on voit bien les pourquoi et les comment ».
Commentaires
Ahhhhhhhhhh! Les livres qu'on aime, qu'on ne se lasse pas de relire, même les connaissant par coeur, comme on aime réécouter une chanson qui nous touche...
Tu as, vu en passant mettre le petit mot chez moi dont je te remercie, mon petit bonheur du jour c'était ce superbe coeur de Lys.... Cela suffit pour bien commencer une journée de canicule....
Bonne journée à toi
Bises
Merci ! Bonne soirée et à très vite.
C'est un jour clair...
Je pourrais même dire ce sont des jours clairs, ici, pour moi...c'est à la fois banal et tellement précieux. Je suis heureuse d'en avoir conscience et de le vivre pleinement et ce, en partie grâce aux lectures qui ont parsemé le chemin...
Bons prochains jours clairs.
Pour le moment je suis avec Bauchau et son dernier journal qu'il a écrit jusqu'à sa mort à 99 ans et il avait aussi un roman en route...Mais je retrouverai Giono un de ces jours
Bauchau : une grande découverte de ces dernières années.
On croit qu'on l'a oublié - un peu, c'est vrai - mais quand on lit quelques passages, on retrouve son rythme ensoleillé, on se rappelle de la jubilation de notre première lecture... Je vais m'y remettre!
Ca me fait plaisir !
Une bouffée de Provence m'arrive grâce à ton billet, Bonheur du Jour. "Regain", je l'ai lu pour la prmière fois à 14 ans, mais je 'étais pas prête encore à savourer le calme vigoureux de ce récit. Je l'ai relu longtemps après et tout m'a sauté aux yeux et au coeur. Merci d'évoquer ces souvenirs et toute la douceur bleue de Provence. J'ai vu "Refain" au cinéma interprèté par Orane Demazi (Arsule), Fernandel et.... là j'ai oublié. J'étais encore une enfant, mais je m'en souviens si bien!
Belle journée à toi,
Quel bel été en bonne compagnie, que du bonheur.
Acheté au Festival de la Correspondance à Grignan un livre de Giono "Que ma joie demeure"chez une charmante bouquiniste, une édition ancienne en parfaite état. Également un autre livre "Petites chroniques des cigales" de Magali Fillol, on nous dit que ce petit livre, gorgé de soleil, réchauffera notre quotidien avec une poignée de souvenirs. Bon week-end , bonne lecture, Janine
J'ai vu l'adaptation cinématographique de Regain et je m'en souviens encore. Cette scène où Panturle montre ses mains abîmées par le travail....
j'ai beaucoup aimé ce livre, autrefois... je devrais le relire!!!
merci pour nous y faire goûter si intensément!
Comme tous les grands écrivains, Giono mérite d'être relu régulièrement. On ne peut s'en lasser.
Je ne connais pas mais j'imagine comment il est bon et précieux! Bise et bon vendredi tout doux!
Peut-être auras-tu envie de le lire ?
je souris car j'ai refait mon plein de Giono l'année dernière, après deux ou trois livres sur lui écrits par ses amis, il était temps de relire l'essentiel et du coup plusieurs volumes rouges sont venus remplacés les vieux tombés en loques, les perdus, les prêtés jamais rendus, les offerts et les disparitions mystérieuses de déménagement en déménagement
C'est réconfortant de les avoir sur ses rayons pour ouvrir Regain ou Angelo quand bon nous semble
Vivre au milieu des livres.... Quel bonheur ; je sais que vous le savez.
Des mots chaleureux et simples qui donnent envie de relire Giono sans attendre.
C'est par lui que j'ai aimé la Provence , bien avant de la découvrir par moi-même - et aussi , mais je ne sais si je peux l'avouer car cela paraîtra peut-être désuet , par la musique de Mireille ,que mes parents
m'avaient fait découvrir toute petite , en même temps d'ailleurs que Daudet et ses Lettres de mon Moulin .
Merci pour ce rappel de moments d'enchantement - et qu'il ne tient qu'à moi de faire revivre .Je vais faire des fouilles pour retrouver Giono...
Bonnes relectures de Giono. On y retrouve toute la Provence, oui ; mais aussi des pans entiers de l'humanité.
La dernière phrase m'éblouit !
C'est en le relisant que je mesure combien Giono m'a influencé, finalement. Je ne m'en étais pas rendue compte.
Un très bon choix de lecture qu'on apprécie lorsqu on a pris quelques années. Il faut un temps pour tout. En tout cas, vous l'evoquez tellement bien que j'ai envie de le lire à nouveau.
J'en suis ravie. Bonne relecture alors !
Ai beaucoup aimé quand je l'ai lu ... il y a longtemps! Le relire , pour retrouver ce plaisir est tentant.
Bonne fin de journée
Comme tous les grands écrivains, Giono mérite d'être relu régulièrement.
Je l' ai ... il va enchanter ma soirée ...:-)
Super !
Je me délecte de vos petits bonheurs. Je vais abandonner ma lecture actuelle qui donne plus le bourdon que l évasion... Pour Regain
Tout simplement merci pour ce partage.
Un doux WE
Quand un livre me rase, je l'arrête. Je n'ai jamais ressenti l'obligation de terminer un livre sous prétexte que je l'avais commencé.
Bon week end !
Il va me le falloir "Regain" lu aussi il y a une quarantaine d'années ... J'ai passé un bon moment à Banon il y a seulement trois semaines et découvert sa superbe librairie bleue.
Une autre raison pour y retourner, donc ! Merci et bonne relecture !
Giono est un de mes auteurs préférés.
J'ai relu Regain avec plaisir il y a peu.
Merci ! Bonne journée !
j'ai été dans les années 70 en communauté du côté de Forcalquier et Manosque et bien entendu Giono enchantait à chaque détour de route ou de chemin !
Ah merde ! Ca ne rajeunit pas tout ça !
J'aime l'écriture puissante de Giono et si tu vas à Banon n'oublie pas de faire un saut "au bleuet", qui est une des plus jolie librairie que je connaisse.
On ne peut pas ne pas aimer Giono... je l'aime tant...
Merci Bonheur du Jour pour les beaux passages que tu as choisis pour nous..
Bonne lecture encore et encore.
Den
Merci pour les extraits & très bon week-end sans effilochures.
Merci pour ce rappel bienfaisant.
"La Rondeur des jours" me rappelle toujours "Bonheur du jour". Un jour rond, c'est du bonheur tout le temps.
Je suis très touchée. Merci.
On ne se lasse pas de ces mots, de ces évocations, de ces noms, de ces descriptions, de ces paysages... Merci Séraphine, doux dimanche, à l'ombre je l'espère... brigitte
A l'ombre, oui.... Je laisse le plein soleil aux cigales qui chantent avec frénésie !
oh, je me sens un grand manque, je ne me rappelle pas avoir lu Giono, j'ai vu des adaptations au cinéma.....mais....vos extraits choisis me font tellement envie.....merci.....
Bonne relecture peut-être ?
les livres ?? impossible de s'en passer.... toujours un en cours, et quelques-uns à regarder, faire durer l'attente, jusqu'au moment où l'envie est trop forte. Une étrange sensation nous prend... une découverte à s'approprier ! et déjà on est ailleurs
Comme je comprends bien ce que vous dites.... J'aime vivre au milieu des livres ; certains ne sont jamais rangés sur une étagère.
Grâce à vous, j'ai eu envie de replonger dans l'univers de Giono. Le Moulin de Pologne tout d'abord, puis Regain que je n'ai jamais lu. De retour de La Ciotat, cela m'a semblé comme une évidence d'ouvrir les pages de cet immense auteur.