Tout au bout du camp d’Auschwitz-Birkenau, dans la neige et sous les arbres, le silence est assourdissant. Là, on extermina sans relâche.
Il fait froid. Une légère brise se lève et fait se balancer une branche, ce qui attire notre regard vers elle. On voit les légères boursouflures de ce qui sera bourgeon puis feuille. A ce moment-là, à cet instant-là, on remarque cela : sur cette branche, un frémissement du Printemps qu’on aime tant. On sourit. Etty Hillsum qu’on avait emmenée avec soi dans son cœur se fait encore plus présente et on se tourne vers celui avec qui on a parlé longtemps tout à l’heure de Charlotte Delbo et qui nous a lu des poèmes de poètes fauchés eux aussi par la barbarie. Il ne connait pas Etty Hillsum, alors on lui en parle.
« Mes enfants, je suis pleine de bonheur et de gratitude, je trouve la vie si belle et si riche de sens. Mais oui, belle et riche de sens, au moment même où je me tiens au chevet de mon ami mort et où je me prépare à être déportée d’un jour à l’autre vers des régions inconnues ».
« Je ne me déroberai à aucun des orages qui fondront sur moi dans cette vie, je soutiendrai le choc avec le meilleur de mes forces. Mais donnez-moi de temps à autre un cours instant de paix. Et je n’irai pas croire, dans un mon innocence, que la paix qui descendra sur moi est éternelle, j’accepterai l’inquiétude et le combat qui suivront. J’aime à m’attarder dans la chaleur et la sécurité, mais je ne me révolterai pas lorsqu’il faudra affronter le froid, pourvu que vous me guidiez par la main. Je vous suivrai partout et je tâcherai de ne pas avoir peur. Où que je sois j’essaierai d’irradier un peu d’amour, de ce véritable amour du prochain qui est en moi. Je ne veux rien être de spécial. Je veux seulement tenter de devenir celle qui est déjà en moi, mais cherche encore son plein épanouissement ».
Le silence reprend. On repart. Après trois pas que la neige alourdit et ralentit, on ramasse une feuille morte qu’on glisse dans le carnet qu’une amie nous a offert à Noël et dans lequel on avait recopié ces mots d’Etty Hillsum.
Commentaires
Un voyage vers ce qui fût un enfer avec ces mots si porteurs, cette leçon d'amour et d'espérance .... merci Marie ! je t'embrasse
Coucou Marie,
Ton billet m'émeut particulièrement, je me sens transportée là-bas...
Pardonne-moi, mais je ne parviens pas, comme si souvent, à exprimer mon émotion. Je me sens minuscule à côté d'Etty Hillsum...
Gros bisous et paisible week-end à toi.
Je ressens aussi ce sentiment d'être si minuscule à côté de cette femme exceptionnelle.
Merci de ton passage et bonne semaine.
cc
Boule au ventre..
émotion ténue.....
pour moi
c'est toujours extraordinaire de constater,
l impact de quelques mots lu,
ça et là..
merci..
tout doux week end...
bzzz
claire
La paix qui est en chacun de nous est éternelle.
Belle journée.
Incroyable cette Etty Hillesum !
comment fait-elle pour aimer la vie et irradier l'amour dans des conditions aussi effroyables?
Chaque fois que je la relis, j'en suis étonnée
Je ne connais pas Etty Hillesum . Mais je connais bien d'autres récits de ceux qui ont connu la barbarie et notamment Charlotte Delbo . J'ai souvent invité dans mes classes de 3èmes des survivants qui témoignent inlassablement . Il faut sans cesse faire connaître cette page terrible de notre histoire .
ce texte me touche très fort. j'ai eu le bonheur d'assister à la lecture de ce texte par deux excellentes lectrices . gravé en moi pour la vie
je ne peux écrire sur ce sujet
bon week end Séraphine
c'est aussi un peu ce qui doit être en chacun de nos réfugiés d'aujourd'hui ... qui partent plein d'espoir pour tenter de trouver un ailleurs où ils pourront exprimer TOUT ce qui est en eux ...souvent ils rencontrent la barbarie ...
amitié .
Je ne.ai pas encore lu le livre de Charlotte Delbo. Mais la lecture d'Etty Hilsum m.a bouleversée .... il est important de ne pas les oublier , de les porter ds nos cœurs et nos consciences surtout en ce moment. Ton billet me rassure, me fait du bien et j'espere que la chaîne des humains bienveillants pour barrer la route aux vents mauvais qui se lèvent un peu partout.
Une amie m'a fait connaitre " une vie bouleversée " d'Etty Hillesum, et ce fut un coup de foudre. Tant de maturité, de profondeur et d'amour de l'autre chez cette toute jeune femme à la vie fauchée ! Merci de parler d'elle ici.
Merci pour l'émotion ressentie.Très beau billet.
Quelle lumière, quel don d'elle-même, "Une vie bouleversée" est un des plus beaux livres que j'ai lu... Beau dimanche Séraphine. brigitte
Je suis bouleversé, totalement..
Une période sombre et épouvantable de l'histoire. Est ce que l'homme en a tiré des leçons.......J'en doute !
La lecture d'Etty Hillesum il y a bien des années a été un vrai choc. Je me suis toujours promis de la relire ; le temps est peut-être venu.
Tant d'amour dans ses lectures...on n'en sort pas indemne
Deux phrases d'Etty Hillesum porte parole précieux
" Il faut si peu de mots pour dire les quelques grandes choses qui comptent dans la vie. Je voudrais tracer ces quelques mots au pinceau sur un grand fond de silence .
Merci
Je connais ces phrases. Je crois bien que je les avais mises ici, il y a quelques temps.
Bonne semaine.
Je note de lire charlotte Delbo. Merci de nous parler d'etty hillesum. Bises