Quand, il y a des années de cela, on a pu avoir un chez soi, on a eu la chance de récupérer de la vaisselle et des casseroles et des couverts récupérés chez une grand-mère et une grand-tante qui venaient, comme opportunément, de faire leurs bagages pour partir au Paradis. Ainsi, pendant longtemps, on a utilisé des casseroles cabossées, des couverts un peu tordus, de la vaisselle ébréchée. Toutes les assiettes n’étaient pas ébréchées, mais parmi la pile de ces jolies assiettes blanches bordées d’un filet mauve, il y en avait pas mal quand même. Ainsi, de temps en temps, cette ébréchure (on ne sait pas si ce mot existe) en réapparaissant, et parce qu’on faisait avec, rappelait qu’on était soi-même ébréché ; de même, on était comme certaines casseroles à peine stables car tellement cabossées.
Bien longtemps après, on a regardé tout cela et on s’est dit qu’on méritait mieux quand même et surtout, à force de voir tant de choses autour de soi en si piteux état, on s’est dit qu’on allait vraiment s’y habituer, vraiment faire avec, vraiment l’accepter, vraiment s’y enfermer. Progressivement, on a fait disparaître tout cela. Très lentement, mais très sûrement.
Ce n’est pas que les bosses, les écorchures, les rafistolages ont disparu de notre histoire, mais aujourd’hui on s’applique à ne pas conserver systématiquement un bol ébréché car on a récupéré une sorte d’entièreté de vie.
D’où la question du lundi : que faites-vous d’une assiette, d’un bol, d’un plat quelconque, quand il est ébréché ?
Commentaires
♥♥♥
merci
Elle finti au jardin, en soucoupe pour les assiettes sous mes potees. Je n aime pas du tout la vaisselle ebrechee. Et au restaurant je déteste carrement...
Tolérance zéro dans ce domaine. Moralité je manie la vaisselle avec délicatesse.
Bonne journée Marie
Logique!
Belle cohérence.
Liliane B.
J'aimerais tellement apprendre le kintsugi, cette technique japonaise qui consiste à combler les fissures et les ébréchures avec un filet d'or, et redonner ainsi à l'objet une vie nouvelle, sans doute plus intéressante, mais qui conserve à jamais le souvenir de la précédente.
Au lieu de cela, le bol ou l'assiette est remisé dans un coin, avec en projet l'achat d'une colle spéciale pour le réparer. Il y reste longtemps, puis finit dans un tiroir...
Oh ces objets amochés, chargés de souvenirs...j'ai un mal fou à m'en défaire. Il faut qu'ils soient en dix-huit morceaux, impossibles à recoller pour que je les jette, enfin;-))
Il m'arrive aussi de les casser encore plus, et de les faire finir leur vie "en paillis" dans un coin du jardin où de la vaisselle cassée lutte contre les adventices...
Je casse peu et n'ai rien récupéré d'ébréché car mes ancêtres jetaient le cassé ou le trop cabossé. Sauf exception bien sûr et ces petites choses récupérées quand même font revivre nos disparus.
J'ai toutes les assiettes d'une arrière-grand-mère. Un petit plat ébréché peut servir de soucoupe au jardin ou de réceptacle à plein de choses (savon, bonbons, bureau) mais un grand... plus compliqué !
Très belle et profonde question du lundi, Marie.
Je n'aime pas me servir de la vaisselle ébréchée, alors dès qu'une pièce l'est, je ne m'en sers plus à table. Souvent elle finit au jardin ou bien... en digne adepte de l'art du collage je casse l'objet en petits morceaux pour les recoller façon azulejos. Cela participe de mon émerveillement à voir la transformation et en quelque sorte la pérennité de cette vaisselle qui chez moi est de plus en plus dépareillée pour les mêmes raisons que vous évoquez.
Oh comme moi aussi, comme Triskell, j'aimerais bien être initiée au kintsugi...
Belle semaine à vous, à tous.
Pareil… je les casse en petits morceaux comme de la mosaïque et j'en décore pots de fleurs, supports de miroirs, cadres, etc. … quand l'assiette est grande et belle, je la repeins . Cela devient de beaux objets personnalisés, un rien artistique
J'en ai plusieurs ...en attente! Dans une boite, des bouts de vaisselle que j'aimais, je voudrais les traiter comme le wabi- sabi japonais, réparer les ébréchures avec un filet d'or pour les mettre en valeur. Les brisures ne s'effacent pas; elles font qu'on est ce qu'on est.......elles parlent d'un chemin de vie, le nôtre!
Je suis toujours effarée par les adeptes du lifting; dedans, ils sont usés, vieillis, mais montrent une autre image.............
Ta question ramène à ma mémoire le visage de Marguerite Yourcenar dans un entretien vu à la télévision, chez elle, montrant avec le sourire un joli plat ébréché et disant qu'il pouvait encore servir. J'ai trouvé en ligne, parmi ses souhaits pour le monde où elle aimerait vivre, celui-ci : "Un monde où jeter un vêtement usé, un plat ébréché, serait un geste rituel accompli seulement avec hésitation et regret."
https://sites.google.com/a/volubilys.fr/phalanstere2/spiritualite/souhaits-m-yourcenar
Depuis lors, je n'ai plus regardé les ébréchures de la même façon. Une assiette ébréchée peut encore servir à la cuisine, sous une plante. Un beau saladier en faïence reçu en cadeau, un peu abîmé, peut encore aller sur la table ordinaire. Puis arrive le moment où on s'en débarrasse, "avec hésitation et regret".
Jolie l'expression " faire leurs bagages pour partir au paradis " Régulièrement je contrôle et jette verre, bol, assiette abimés. Pas de casserole cabossée non plus. J'avais lu que tout ce qui est abimé bloque le ki , cependant je conserve juste un plat évasé spécial œuf à la neige avec une ébréchure. Merci Marie pour cette réflexion du lundi. Bonne semaine Bonheur du jour.
je la garde.
et même je l'utilise
tous les jours
et ce n'est pas moi qui l'ai mise dans cet état, elle vient de ma grand-mère, et tous les jours je me dis qu'en la lavant ou l'essuyant, elle va me rester entre les mains, en deux ou trois morceaux.
Quod non.
d'une manière générale, je jette mais j'ai gardé un petit vase que j'ai malheureusement cassé en partie Ma grand mère me l'avait donné.. une petite madeleine de Proust à conserver...
Question "d'ébrèchement" qui nous remue jusqu'au coeur !
Sous leurs airs prosaïques, les objets nous parlent du passé
et du présent, ils nous accompagnent silencieusement
mais en réalité ils sont très bavards :
garder, chérir, se souvenir ou jeter et parfois chasser,
pour moi, le critère de l'esthétique s'est peu à peu imposé...
Comme nous ne pouvons tout conserver, je n'en retiens
que la "crème" ... mais elle est déjà tellement épaisse !
Belle semaine à tous !
Un très beau texte. Bien souvent je jette ...sauf quelquefois ... La petite assiette creuse rose en plastique de ma fille est devenu le bol à croquettes de Durga.
Fabrice Midal a parlé récemment des bols japonais cassés qui sont réparés avec un fil d'or ou d'argent. L'ebrevhure devient art. Bises
Réutiliser des objets ébréchés (dans une certaine mesure !) est aussi ne pas trop renouveler systématiquement et je pense que notre planète aime cela.
J'adhère totalement aux propos de Triskell (ce filet d'or sublime le passé de l'objet) et à ceux de Marguerite Yourcenar rapportés par Tania.
Merci Marie pour ce nouveau débat, bien enrichissant. Belle semaine !
Beaucoup de mal à me défaire de ces objets amochés et je les utilise avec beaucoup de tendresse " objets inanimés avez-vous donc une âme qui s'attachent à notre âme et la forcent d'aimer"
La vraie question est de savoir si la vue de cette vaisselle ébréchée nous comble d'aise ou pas ::dans le cas contraire , si c'est seulement par devoir de piété filiale , une génération n'a pas à s'imposer une obligation qui ressemble à un fardeau , simplifions , simplifions !
Par contre , j'ai moi-même appliqué la technique japonaise du kintsugi en couvrant d'une fine couche d'or la fissure d'un pied de lampe en faïence PARCEQUE J'AIMAIS CETTE LAMPE , mais au grand j'amais je ne voudrais que mes enfants la gardent !! Il serait bon de relire le livre de Lydia Flem " Comment j'ai vidé la maison de mes parents " ou celui de Dominique Loreau sur " L'art de la simplicité " ...
Nous avons récupéré de la vaisselle des grands mères, marraine...nous avons fait le tri et gardé ce qui était beau et en bon état... et les armoires sont déjà pleines, puisque se sont ajoutées les découvertes chinées. Au fil du temps nous remplacons la vaisselle "courante" par de jolies assiettes de porcelaine,des verres anciens, même dépareillés , mais qui nous donnent chaque jour de la joie et un sentiment de raffinement . Ne sont ébréchés ou rafistolés qu'un vase , des assiettes à dessert , une lampe, souvenirs heureux de notre enfance.
Tout dépend de la personne... La collectionneuse a envie de garder (mais pas ce qui est tout de même trop abîmé - d'ailleurs, les collectionneurs essaient de ne pas acheter ce qui est en mauvais état, ébréché, avec des "cheveux" ou "beurré"...) Il y a tant de jolies choses, ce serait dommage de ne pas se faire plaisir. Je garde quand même quelques saladiers, effectivement, mais je crois qu'ils sont en bon état (sauf, peut-être, beurrés justement). Donc, chez moi, il y a un mélange d'un peu de tout... Et même des boîtes cabossées (et une boîte à couture en osier que les chats ont explosée...) Pour le moment, je garde, mais parfois, j'élimine aussi (à condition que mon ascenseur fonctionne o:)
Exactement comme vous dites si bellement " On a récupéré une sorte d’entièreté de vie." Un jour, on s'est réveillée et on en a eu MARRE de trimballer les assiettes de la tante Emilie, les couverts en argent de Maman, l'édredon de Papy, alors on a tout bazardé, on a tout envoyé baîller aux corneilles et on s'est fait un tout nouvel intérieur A NOUS! C'est peut-être pas aussi douillet, c'est encore flambant neuf, mais c'est à NOUS, avec NOS affaires, NOTRE vaisselle, NOS souvenirs... De quoi se tisser encore quelques belles années! Merci, chère Marie de poser d'aussi jolies questions. Liliane Breuning qui, un peu grâce à vous et à cause de la canicule a bazardé sa vie d'avant à Strasbourg et s'est installée dans les Vosges.
Le Feng Shui conseille de ne pas garder de la vaisselle ébréchée.... je m'en débarrasse volontiers sauf certaines pièces que je trouve jolies mais je ne les utilise plus, alors, à défaut de pratiquer le kintsugi, je vais opter pour l'idée de Jo-Elle et d'en faire un "paillis" dans un coin du jardin.
Joli texte...
J'aime les choses qui ont un certain vécu donc il m'arrive de garder puis de finir par m'en séparer...
Je ne garde rien. Je jette quand la vaisselle est ébréchée. C'est la même chose pour le reste. Je jette ou je donne. J'aime avoir l'esprit léger, désencombré. J'ai besoin d'espace pour bien vivre.
C'est joli comme tout, plein de rêve... Chez moi, rien d'ébréché. Rien de bien clinquant non plus. Mais si je viens à casser un objet auquel je tiens vraiment je peux passer des heures, voire des jours, à en recoller tous les petits morceaux..
J'utilise au quotidien le service à vaisselle blanc et bleu de mon arrière-grand-mère, pièces ébréchées comprises. Je me sens... reliée.
Salut tu m'as rappelé un article que j'ai posté ...sur lart du kintsugi qui consiste à réparer les objets cassés en les recollant et en soulignant leurs jointures à la poudre d'or. Non seulement reconstruit, l'objet s'en trouve également sublimé. Appliqué à soi-même, le kintsugi est une véritable art-thérapie qui apprend à vivre avec ses blessures...
Amitiés
Pour ma part, j’ai conservé très longtemps deux assiettes ébréchées qui provenaient de ma grand-mère maternelle. Puis elles ont servies au jardin comme coupelle pour l’eau des oiseaux. Mais j’ai fini par m’en séparer en me disant que j’avais tout de même d'autres souvenirs de ma grand-mère, même s’ils ne sont pas matériels. Elle m’a aussi appris à tricoter et crocheter, cuisiner et prier. Merci Mamie Henriette!!
Oh là là ! Je connais cette vaisselle de ma grand-mère...Je fais avec moi aussi et n'ai jamais eu que de la vieille vaisselle !
Tant qu'il peut servir... je le garde. :)
A une époque je les cassais pour faire de la mosaïque, j'en ai aussi cassé pour empierrer des endroits trop humides au jardin mais non j'aime mieux manger dans de la jolie vaisselle bien que j'ai gardé longtemps des assiettes un peu passées de ma famille moi aussi...