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L’incertain du temps

Avant le départ en promenade, le baromètre l’avait bien indiqué : le temps serait incertain. Et c’est ainsi que, de part et d’autre du chemin sur les hauteurs de l’Ermitage, à Saint-Mandrier, la mer et le ciel, si vastes qu’un seul regard ne pourrait les saisir, étaient bleu-gris foncé et même, là-bas, gris métallique et à côté, gris comme les cheveux avant qu’ils ne deviennent blancs de neige et d’ailleurs, il y en avait aussi de ces gris qui avaient blanchi au point d’être clair comme la glace d’un névé. En fait, il y en avait une multitude de ces gris, posés comme certains peintres le font sur leurs toiles d’aplats de couleurs. Un ciel à la Nicolas de Staël ?

Partout où il était possible de regarder, c’était à celui qui serait le plus beau parce que le plus sombre ou le plus clair ou le plus large ou le plus proche de l’horizon qui arrivait encore à soutenir, tel le ciel de lit d’un baldaquin son voile, les nuages déjà gorgés de pluie. Ils clapotaient en calmes ondulations ou en frisures plus tremblantes, à peine écumantes, jusqu’au moment du ressac qui est celui où chaque clapotis peut fièrement penser avoir été le plus parfait de tous les clapotis de la mer.

Le soleil, blanc flamboyant, faisait parfois signe à travers les nuages qui avançaient comme le fait la neige des avalanches, en roulant, comme ça. Alors, une ligne encore plus flamboyante illuminait la mer (au milieu de tout ce gris, c’est ce mot de flamboyante - flamboyant, flamboyance, flamboiement - qui semble le mieux à même de dire ce qu’il en était à ce moment-là du surgissement du soleil). Mais cela ne durait pas : on voyait bien qu’au loin, du côté de Hyères, la pluie battait les flots au point qu’il devait y faire déjà nuit tandis qu’en face l’horizon ployait encore sous le poids de nuages d’un noir qui portait encore en eux le bleu dont ils étaient nés.

Sans l’entendre encore – il faudrait pour cela descendre un peu plus près du rivage -, je savais que le ressac sur la plage de la Coudoulière serait de plus en plus roulant comme les nuages, tout au fond, là-bas, et que je resterai à écouter son chant car, de tout temps à jamais, le ressac chante en se brisant et en allant et venant sur les galets. Aujourd’hui, il chanterait cet incertain du temps. Les nuages sont-ils tristes de ne savoir chanter ?

Commentaires

  • Un poème d’hiver où chantent les gris : magnifique !

  • Un beau texte et je me vois à Hyères vers le château à admirer tous ces gris et le soleil qui pétille parfois entre deux nuages. Il n'y a pas longtemps j'étais dans un magasin d'arts plastiques et je regardais les couleurs qui toutes portaient un nom différent. Il faut de l'imagination pour inventer des mots qui résonnent.

  • Des gris qui composent pour nous ce matin un très joli tableau...de chez moi j'entends le ressac chanter sur la plage de la Coudoulière que je connais bien. Très belle journée et merci pour cette belle balade en bord de mer malgré le temps incertain

  • quel beau texte ! tu es vraiment une écrivaine et même une poétesse ( on le savait déjà ). Je vais le relire et le savourer...et le partager. Merci et bonne journée ( dans le bleu )

  • Ton texte est superbe! Quel régal de te lire! Chez moi, c'est bleu aujourd'hui, il y a plus à dire
    sur les gris!
    Très belle journée

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