Récupérer des pots de miel venus directement, grâce à une pourvoyeuse de délices, de chez l’apiculteur dans les Alpes. On connaît l’apiculteur, on sait où sont les ruches, et où le miel est mis en pot. De fait, on connaît aussi les abeilles généreuses qu’on considère désormais comme des amies.
Recevoir un cadeau magnifique, tout fait main, de la part de quelqu’un qu’on ne connaît pas.
Sentir le matin en descendant le doux parfum des jacinthes blanches.
Réécouter encore une fois, sans jamais s’en lasser, la Symphonie n°2 de Mahler.
Donner des vêtements qu’on ne porte plus.
Préparer de la lessive.
Mettre à jour le répertoire papier d’adresses et de numéros de téléphone.
- Page 9
-
-
Recevoir / Donner.
Il est bon d’aller dans la forêt et d’en revenir avec les cadeaux qu’elle offre : paysages, couleurs, senteurs, chants d’oiseaux. Quand on peut, aussi, croquer quelques arbouses bien mûres, remplir le sac de mousse et de lichens pour la crèche, de branches de houx et de lentisques pour les couronnes de l’Avent et de Noël, de pommes de pin pour jouer à les peindre avec les enfants, la joie s’accroît. Si, en plus de tout cela, la cueillette des champignons est abondante, la joie se gonfle encore car on puise là, dans cette nature, de quoi se nourrir. Mais quand on peut donner ce qu’on ramasse et penser à celui ou à celle à qui on donnera, alors on entre dans un équilibre bienfaisant : recevoir / donner.
Ainsi des champignons ramassés vers l’Issemble qu’on amène à celui qui fut un grand marcheur des bois, un fin cueilleur de champignons, un connaisseur de sentiers improbables dans les bois touffus. On lui dit : « Tiens, regarde, je t’ai ramené ça de la forêt. » Il arrive en faisant rouler son fauteuil, tend sa main à la peau tannée et qui tremble déjà un peu. Il s’exclame malgré tout : « Oh ! des sanguins ! ah, ils sont beaux ! Oh, mais dis donc, c’est des girolles, ça… Elles sont magnifiques ! Des ceps, tu as trouvé des ceps… des petits, ah, et là un gros, oh la la, on va se régaler ! Et des rouges aussi ! Oh, et ces coulemelles, ah, c’est la bonne taille pour les coulemelles… Ah, merci. » Les yeux brillent, de plaisir ou de larmes retenues, on ne le saura pas vraiment car ici on reste toujours très pudique sur ses sentiments. Il continue un bon moment à prendre entre ses doigts les champignons qu’il étale sur la toile cirée de la table de la cuisine. « Ça sent bon. » Il se met à parler de la forêt. On lui précise bien où on est allé et il se souvient de cet endroit : « On voit bien le Coudon de là, hein ? et il y a des arbousiers magnifiques. J’aimais bien aussi aller aux Mayons. J’ai toujours trouvé abondance de safranés là-bas. » Puis, il ajoute : « Allez, garrí, on va les nettoyer ces champignons. Tu restes à manger, hein ? »