L’été, sans aucun doute, est aussi une période propice aux rangements, comme elle l’est pour les salades composées, les confitures et les promenades vespérales. Hier, ce fut le tour des aiguilles à tricoter.
Il a fallu descendre tout d’abord sur la grande table, le gros range-aiguilles, cousu il y a des années dans un tissu multicolore, la boîte carrée dédiée aux aiguilles circulaires, le long plumier détourné de son but premier pour y mettre les aiguilles à double-pointe et enfin la toute petite boîte à chapeau des aiguilles à chaussettes, circulaires ou pas. Et divers sacs contenant des aiguilles récupérées çà et là, bien souvent reçues en cadeau après le départ de leurs propriétaires.
Les aiguilles à chaussettes à double-pointe en carbone sont dans un premier temps bien remises dans leurs sachets individuels après qu’elles aient été bien comptées : il en faut cinq pour chaque numéro. Hélas, il n’y a plus que quatre n°2 et il n’y a plus les n°3. Les circulaires, de 25 cm de long, des Addi, sont en place.
Les grandes circulaires, en bambou, en carbone, en plastique, forment un nid dans la boîte carrée : on les laisse tranquilles, de la n°3 à la n°7.
Toute comme les longues doubles pointes, peu utilisées.
Mais dans le range-aiguilles, il y a du travail. D’abord, sortir toutes les aiguilles et les étaler pour refaire les paires et les ranger du n°2, pour la layette souvent, au n°15, qui a dû servir une fois pour un snood... En refaisant les paires, je me souviens d’un ou de plusieurs ouvrages mais aussi du lieu où je les ai achetées, tout comme je me souviens de celle qui me les a données parce qu’elle ne s’en servait plus si elle ne tricotait plus, ou si elle ne tricoterait plus, ou si quelqu’un rangeant ses affaires après son départ a pensé que cela pourrait me servir à moi ou bien encore que je pourrais connaître quelqu’un à qui cela pourrait servir : une tricoteuse connait toujours une autre tricoteuse.
Une fois les paires reconstituées, les plus nombreuses sont les 3,5, les 4,5, et, d’une façon surprenante, les 5,5. Lentement, j’ai gardé pour chaque numéro trois paires seulement en essayant d’avoir une très longue, bien souvent en bambou, une plus courte, en métal, et une de M, de H, de F ou d’E, ces dernières plus souvent en plastique et parfois légèrement incurvées. Après les avoir longuement regardées, j’ai rangé dans le range-aiguilles ou dans la petite boîte ronde, quelques aiguilles mises par paire ou par cinq à l’aide d’un lien en laine. Il y avait là des moments de vie : celle qui avait noué les aiguilles entre elles pour bien les ranger, utilisant un brin de la laine dont elle se servait alors pour tricoter un pull ou un gilet ou une écharpe, voire une brassière jaune pour ces aiguilles double-pointe n°2,5.
Les autres dont je ne me servirai pas, je les ai mises dans un sac en toile et je les amènerai à l’Entraide, la ressourcerie de Saint Cyr, à la rentrée. Parce qu’est bien souvent à la rentrée qu’on se met ou se remet au tricot. Et parce que des aiguilles à tricoter, cela ne se jette pas. Cela se donne.
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Au grand marché de Sanary.
Comme chaque mois, aller à plusieurs au grand marché du mercredi à Sanary en prenant le bus. La descente près de la plage permet d’accéder très vite aux allées qu’il est d’usage de faire suivant un trajet précis et immuable, d’autant qu’il est encore bonne heure et qu’on a tout son temps. Au passage, bien qu’on n’en ait pas besoin, on ne résiste pas qui à une jolie robe d’été, qui à un chapeau de paille, qui à une nième marinière.
Puis, on va regarder les toiles cirées car, sans qu’on comprenne pourquoi, c’est régulièrement qu’il faut en changer et c’est toujours qu’on a totalement oublié de prendre les bonnes dimensions de la table ; on passe chez la mercière prendre une bobine de fil blanc cassé et du ruban pour tenir ensemble les enveloppes d’une correspondance ; on choisit chez un maraîcher un beau bouquet de basilic, des abricots et des pêches, et des petites courgettes rondes et d’autres jaunes car elles sont vraiment très jolies et cela fera joli dans le plat ; on attend du poissonnier qu'il tourne et retourne les daurades – elles sont toutes magnifiques – pour enfin en prendre une qu’on lui demande de garder le temps qu’on aille faire un tour voir ce qu'il a, le marchand de laines, cette fois-ci, et prendre un café en terrasse.
Là, sur la terrasse ombragée, s’asseoir et regarder les gens passer tout en papotant comme on le fait depuis qu'on s'est retrouvé à l'arrêt de l'autobus. Quand il est bientôt l’heure du retour, on termine le verre d’eau qui accompagnait la tasse, on rassemble les affaires, on récupère la daurade au passage, on file jusqu’à l’arrêt de bus tout en croisant, comme à l’aller, moult personnes à qui on dit bonjour et à qui on demande comment elles vont à moins qu’elles aient dit bonjour en premier en demandant comment on va ce qui fait qu’on répond au bonjour et qu'on affirme que oui, tout va bien, merci et on demande et vous ? etc.
Comme c’est souvent le cas en juillet, le mercredi, le bus est en retard. Pendant le trajet, l’air embaume le basilic qui dépasse du panier et se balance au gré des cahotements du voyage.
Puis, une fois à la maison, on s’assied, on a chaud, on boit de l’eau fraîche et quand on a repris ses esprits, on cuisine et pendant que ça cuit, on cherche le mètre ruban pour prendre enfin les dimensions de la table puisqu’on retournera le mois prochain au grand marché.