Dans ce lieu que j’ai déjà évoqué, là où les couloirs sont si longs, avoir la chance d'y avoir une amie dont l’amitié enrichit ma vie depuis plusieurs années. Quand elle demande : « Comment ça va ? », elle demande vraiment comment ça va. On ne peut pas lui répondre « ça va », d’une façon désinvolte, voire systématique. Non. Il faut répondre vraiment, même si on utilise la même expression, « ça va ». Tout est dans le ton. Et si elle sent qu’on a répondu « ça va » par réflexe, elle ne peut pas s’en contenter. Elle demande alors : « Mais encore ? », et elle pose son regard dans le regard de celui ou celle qui lui fait face. Elle-même, si je lui demande « comment ça va ? », me répond toujours non seulement en vérité mais en allant à l’essentiel. Elle n’est jamais lassée du moindre échange car, d’après elle, il n’y a jamais de petit partage. Et c’est pour cela qu’on peut rester ensemble dans le silence après avoir échangé quelques phrases.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 28
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Il n’y a jamais de petit partage.
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Flannery O’Connor : une nouvelle par jour - Fleurs du jour
Flannery O’Connor : Une nouvelle par jour de cette auteure exceptionnelle dont les textes sont d’une grande intensité. Elle a peu écrit car elle a eu peu de temps en raison d’une grave maladie qui a fini par l’emporter et c’est certainement aussi pour cela que ses histoires sont si profondes – je pense en particulier à cette nouvelle écrite à la fin de sa vie, « Révélation ».
Elle disait, dans une lettre : « Vous avez tort de croire que je sais depuis longtemps qu’on n’accomplit rien en s’en tenant à la surface des choses. Comme tout le monde, j’ai dû apprendre cela peu à peu et à la dure (… ) Je n’ai jamais visité d’autres pays que celui de la maladie et dans un sens, c’est une expédition qui vous enrichit davantage qu’un long voyage en Europe. » (1) Elle a conservé son sens de l’humour jusqu’à la fin.
Fleurs du jour : Tulipes blanches ; primevères jaunes ; anémones violettes, rouges et blanches.
(1) Flannery O’Connor : L’Habitude d’être, Ed. NRF Gallimard, 2003, p. 132, Lettre à « A » du 28 juin 1956, traduction de Gabrielle Rolin.