Parmi les orangers plantés dans le jardin de La banque, le nouveau musée de Hyères, certains portent de nombreux fruits et d’autres sont encore en fleurs. Alors, comment ne pas avoir envie de s’approcher pour respirer ce parfum incomparable de la fleur d’oranger ? Une dame, à l’autre bout du carré, voyant ce qu’on est en train de faire, tenir d’une main la fleur et approcher le visage pour la respirer, arrive à petits pas. Sans qu’elle ait besoin de dire un mot, elle vient au plus près, se hausse sur la pointe des pieds, s’appuie fermement sur sa canne et tend son visage. On penche au mieux la branche vers elle. Elle respire profondément le parfum, ferme les yeux puis les ouvre et sourit. De sa main libre, elle fait un geste qui indique qu’elle a bien reconnu cette senteur qui, certainement, lui a toujours été familière et qui l’émeut au point que les mots restent tus. Elle s’éloigne alors. Dans le carnet, on écrit : le parfum de la fleur d’oranger.
MOISSONNER / Bonheur du jour quotidien - Page 50
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Le parfum de la fleur d’oranger à La banque.
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Les petites choses, les petits mots.
Traverser la rade en bateau et marcher jusqu’à la Médiathèque Chalucet.
Rendre des livres. Emprunter des livres.
Redescendre vers l’embarcadère.
Au passage, acheter un bouquet d’anémones et du pain.
Rentrer chez soi.
Passer l’après-midi à lire un livre magnifique, qui ne date pas d’aujourd’hui, il est paru en 2002, mais dont le sujet est et restera hélas d’actualité dans notre monde : Devant la douleur des autres, de Susan Sontag.
Le soir, en fermant les volets, regarder le ciel sans craindre qu’il ne nous tombe dessus.
A quelqu’un qui téléphone et demande « comment ça va ? », on ne peut que répondre, devant la douleur des autres justement, celle d’hier, celle d’aujourd’hui, celle de demain, celle d’à côté, celle qui est plus loin : « je vais bien, j’ai de la chance ; bien sûr la vie n’est pas toujours facile, les coups sont parfois rudes, les désillusions peuvent être abyssales, la lucidité a un goût amer, le corps flanche quand même mais je suis libre de faire des petites choses et d’écrire des petits mots. Et toi ? Comment ça va ? » Et la chance se poursuit car on entend cette réponse : « Je vais bien aussi, malgré tout. »