Au fur et à mesure d’arrivées joyeuses, ponctuées d’exclamations de bienvenue, le groupe de tricoteuses, de brodeuses, de couturières, de crocheteuses se réunit autour de la grande table, peu à peu couverte de pelotes de laine, de tissus, de ciseaux, d’épingles, de mètre ruban, de bobines de fil, jusqu’à ce que la nappe molletonnée soit comme recouverte d’un chapeau coloré digne des meilleurs cupcakes. L’une fait du boutis, l’autre tricote une veste noire, une autre encore commence un gros pull pour l’hiver, tandis qu’une brassière blanche prend forme à côté ; en voici une qui coud des jardins de grand-mère, tandis que sa voisine crochète un napperon rouge et blanc et que la maîtresse de maison quilte un magnifique top aux couleurs de l’automne.
Parfois on parle, du temps, des enfants ou des dernières lectures, mais le plus souvent, on se tait, et alors c’est le murmure cliquetant des aiguilles qui se laisse entendre.
Quand l’après-midi touche à sa fin, tout ceci est remplacé par le service à thé, les sets de table, les théières, et les tartes aux pêches. C’est alors qu’après s’être régalé, on sort les catalogues de tricot ou de patchwork pour parler de tous les projets qu’on a en tête.
tricoter - Page 5
-
Le groupe de couture et tricot.
-
7 novembre 2013. Un deux trois .. Soleil !
C’est l’après-midi où on s’installe, dans un coin du grand salon de la maison de retraite, pour tricoter près d’un très vieux monsieur qui aime garder dans ses mains la pelote de laine et dérouler le fil peu à peu. Il dit qu’il aime faire ça car c’est comme un travail, que c’est utile.
Le silence est scandé de brèves paroles et du cliquetis des aiguilles. On s’arrête parfois pour mesurer et le très vieux monsieur, de sa seule main encore valide, tient ferme le bout du mètre et annonce les chiffres.
A l’opposé de la pièce, une dame observe la scène. Quelques rangs de tricot et, quand le regard se lève, elle s’est rapprochée un peu. Un tout petit peu. Encore quelques rangs, et elle a progressé de quelques mètres. Puis, elle est là, tout à côté. Toute souriante. Dans ses mains à la peau plissée et aux doigts torses, une aiguille et une pelote de laine.
- Je ne me souviens plus comment on fait.
On l’aide à remonter les mailles sur l’aiguille. On lui rappelle, doucement, qu’il faudrait une seconde aiguille.
- Ah oui… Mais je ne sais pas où elle est… Oh, mais j’irai à la mercerie en acheter une, ce n’est pas pour ce que ça coûte, hein ? Et vous, qu’est-ce que vous faites ?
- Une écharpe.
- Ah oui… Un cache-col. J’en faisais aussi à mes enfants. C’est le modèle ? dit-elle en regardant un catalogue posé sur le divan.
On lui tend le livret, qu’elle feuillette et qu’elle commente.
- J’aimerais bien faire celui-là, dit-elle, en montrant un mantelet rouge pour une petite fille. Et vous ? Qu’est-ce que vous faites ?
- Une écharpe.
- Ah oui… Un cache-col, enfin moi je dis un cache-col. J’en faisais aussi à mes enfants. Je tricotais beaucoup. Je faisais tout. Des bonnets, des pulls… Pour l’hiver. Il y a de belles choses, dans ce catalogue. Vraiment. Phildar...
- Voulez-vous le garder ?
- Volontiers, c’est très aimable. Vous êtes bien gentille. Et vous, qu’est-ce que vous faites ?
- Une écharpe.
- Ah oui… Un cache-col. J’en faisais aussi à mes enfants quand ils étaient petits.
Quand on part parce que c’est l’heure, laisser le catalogue à la dame, tout sourire en feuilletant les pages.